LA NOUVELLE CALEDONIE ET LE PROTOCOLE DE KYOTO


26-12-2007
Par Admin Admin

 

Cet extrait est tiré de l'intervention de Guy AGNIEL, professeur de droit public à l’université de la Nouvelle-Calédonie, au colloque "Le droit de l'environnement en Nouvelle-Calédonie", dont les actes ont été publiés en 2007 et présentés sur ce site.

Kyoto et Nouméa :

La France a signé cet accord le 27 avril 1998, mais sa publication n’est intervenue que plusieurs années après (décret n° 25-295 du 22 mars 2005). En 2005, les institutions locales ont interrogé le ministère de l’outre-mer sur l’applicabilité du Protocole à la Nouvelle Calédonie. Dans un premier temps la réponse fut affirmative, mais quelques semaines plus tard, c’est la négative qui prévalut. Qu’en est-il exactement ?

Nous pouvons proposer l’analyse suivante :

La République française ayant ratifiée la convention de Vienne de 1969 est donc tenue par les dispositions de celle-ci. Or le Protocole de Kyoto dans son article 26, dispose clairement : « Aucune réserve ne peut être faîte au présent protocole ». En application de l’article 29 de la convention de Vienne, le Protocole doit être appliqué sur l’ensemble du territoire de la République, y compris donc en Nouvelle-Calédonie.

Jusque là, c’est assez simple ; mais il se trouve que la République française a assortie sa ratification d’une déclaration interprétative : « la ratification par la République française du Protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques du 11 décembre 1997 doit être interprétée dans le cadre de l’engagement souscrit conformément à l’article 4 du Protocole par la Communauté européenne, dont elle est indissociable. Elle ne rend donc pas applicable ce Protocole aux territoires de la République française auxquels le Traité instituant la Communauté européenne n’est pas applicable. Toutefois et conformément à l’article 4 § 6 du Protocole, la République française demeure individuellement responsable du niveau de ses propres émissions dans le cas où le niveau total cumulé des réductions d’émissions ne pourraient être atteints ». En se fondant sur son appartement à l’Union européenne, elle en conclue la non applicabilité du Protocole à ses territoires ultra-marins auxquels le Traité de Rome n’est pas applicable.

C’est un joli tour de passe-passe juridique : selon la convention de Vienne de 1969 (article 2 § 1d) une réserve est une déclaration unilatérale « quel que soit son libellé ou sa désignation » faite par un état qui « vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet Etat ». En formulant une déclaration interprétative, la France ne contrevient donc pas dans la forme tout au moins à l’article 26 du Protocole qui interdit les réserves. Mais une déclaration interprétative n’a pour objet que de préciser le sens d’une disposition d’un traité, au contraire d’une réserve, laquelle limite ou exclut l’application de la disposition. Or, force est de constater que, sur le fond, l’exécution territoriale du Protocole est bien modifiée ! Il y a là une belle illustration de la mise en garde formulée par la doctrine : « les Etats ont tendance à avoir des déclarations interprétatives une conception fort extensive et à les rédiger de manière tellement ambiguë que le sens de la convention peut en être faussée. Il y a là dans certains cas un moyen commode (mais juridiquement inacceptable) de tourner les règles limitant ou interdisant les réserves » (Nguyen Quoc Dinh 2002).

Il est vrai que le strict respect de l’article 29 de la convention de Vienne aurait pu mettre en lumière les difficultés résultant du démembrement des compétences auxquels se livre une République française en mal de repentance, qui réussit le tour de force de constitutionnaliser la charte de l’environnement en même temps qu’elle se lave les mains de la protection de l’environnement dans ses territoires ultra-marins.