L’impasse de Bougival


Le projet d’accord signé à Bougival en juillet 2025, rapidement rejeté par le FLNKS, n’a pas apaisé la crise, renforcée par l’insurrection kanak du 13 mai 2024. Il met en évidence la persistance coloniale : l’État reste attaché à la primauté du droit constitutionnel français tandis que les indépendantistes se réfèrent au droit international de la décolonisation. Cette divergence révèle une confusion des légitimités et un conflit de normes. Le projet de Bougival, présenté comme une étape de décolonisation, institue en réalité un « État de la Nouvelle-Calédonie » dépourvu de souveraineté réelle, confirmant l’intégration au sein de la République. Les transferts potentiels des compétences régaliennes, la nationalité calédonienne, les relations extérieures relèvent d’une griserie des mots.

Le projet de Bougival souligne la verticalité de la démarche de l’État sous l’apparence d’une coconstruction, marginalisant la revendication kanak. Les institutions de contrôle – Conseil d’État, Conseil constitutionnel – ont validé des choix contestés, confortant la lecture unilatérale du droit par l’État et accentuant la perte de confiance du FLNKS. Le recours à une consultation, fondée sur un texte non consensuel, risque de reproduire les erreurs du passé, notamment celles sur la Nouvelle-Calédonie de 1987 qui se faisait contre le peuple kanak et sur Mayotte en 2000 qui se réalisait contre l’ONU. Une telle trajectoire pourrait raviver les fractures coloniales au lieu de les dépasser.

Mathias Chauchat est professeur de droit public à l’Université de la Nouvelle-Calédonie

Cet article paru sur Jus politicum, une revue française de droit constitutionnel en ligne, est disponible ici : https://blog.juspoliticum.com/2025/11/21/limpasse-de-bougival-colonialisme-conflits-de-normes-et-crise-politique-en-kanaky-nouvelle-caledonie-par-mathias-chauchat/

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