Productivité sectorielle du travail et compétitivité de l’économie de la Nouvelle-Calédonie


La Revue Economie et Statistique de l’ISEE (Economie et Statistiques n° 499-2018 Mélanges) publie un dossier sur « Croissance et productivité dans les collectivités françaises du Pacifique », avec une contribution sur la Nouvelle-Calédonie de Serge Rey, Professeur à l’UPPA (Université de Pau et des pays de l’Adour) et Catherine Ris, professeur en sciences économiques, directrice du LARJE : https://insee.fr/fr/statistiques/3546921

Petite économie insulaire, la Nouvelle-Calédonie se distingue dans l’ensemble de l’outre-mer français, et plus encore en Océanie insulaire, par un niveau de vie et de développement humain élevé. Elle souffre toutefois de handicaps communs aux petites économies insulaires (éloignement, petite taille de marchés, etc.). Le ralentissement du rythme de croissance observé depuis quelques années met en lumière l’essoufflement du modèle calédonien de croissance « extensive » : produire plus à partir de plus d’intrants pour satisfaire le marché intérieur, en se protégeant de la concurrence internationale, et s’appuyer largement sur l’exploitation du nickel. Cet article vise à évaluer la compétitivité de l’économie calédonienne. Il propose des indicateurs de productivité du travail pour les principales branches marchandes de l’économie calédonienne sur les années 1992-2014 pour en déduire des évolutions de coûts unitaires et in fine de taux de change réels. Il montre que la productivité du travail a plutôt tendance à stagner depuis le début des années 2000, alors que dans le même temps les hausses du salaire minimum concourent à une hausse des coûts unitaires et à une détérioration de la compétitivité.

Question clé

Le ralentissement de la croissance économique observé ces dernières années en Nouvelle-Calédonie met en lumière l’essoufflement de son modèle de croissance extensive. Celui-ci repose depuis plusieurs décennies sur l’accumulation du travail et du capital, s’appuyant largement sur l’exploitation du nickel et son exportation tout en protégeant son marché intérieur de la concurrence internationale. Quels sont les gains de productivité de l’économie calédonienne ? Comment évolue sa compétitivité ? Quelles sont les conditions du retour à une croissance soutenue à moyen terme ?

Méthodologie

À partir de données sur l’activité économique (valeur ajoutée et quantités produites) et l’emploi salarié, des indicateurs de productivité du travail sont calculés pour les principales branches marchandes de l’économie calédonienne sur les années 1992-2014. Sont aussi calculés des indicateurs de coûts unitaires du travail (qui rapportent le taux de salaire à la productivité du travail) en se basant sur le salaire minimum garanti (SMG), et des indicateurs de compétitivité prix/coûts par rapport aux principaux partenaires.

Principaux résultats

On observe des divergences sectorielles dans les dynamiques des productivités du travail. Quatre branches ont vu la productivité du travail croître depuis les années 1990 – l’agriculture, la construction, l’industrie manufacturière (y compris industries agro-alimentaires) et le commerce – alors que le secteur du nickel, l’énergie et les transports et télécommunications, ainsi que le tourisme ont connu une baisse de leur productivité.

Pour l’ensemble de l’économie calédonienne, la productivité du travail est relativement stable, malgré une légère diminution liée aux mauvaises performances du secteur nickel.

La hausse plus rapide des salaires que de la productivité du travail se traduit par une tendance à la hausse des coûts unitaires du travail et une détérioration de la compétitivité prix/coûts de la Nouvelle-Calédonie, notamment par rapport à la France métropolitaine et au Japon.

Principaux messages

L’économie calédonienne n’a pas connu de gains de productivité du travail depuis plus de deux décennies. Après avoir été soutenue par d’importants investissements dans le secteur nickel durant les années 2000, sa croissance économique a ralenti, alors que la société reste marquée par de fortes inégalités sociales. La politique économique du gouvernement local – notamment la politique fiscale et la politique de la concurrence, ainsi qu’un accroissement des investissements dans l’éducation – a un rôle clé à jouer pour favoriser les gains de productivité nécessaires à la croissance à long terme de l’économie calédonienne.

Citer cet article : Rey, S. & Ris, C. (2018). Sectoral labour productivity and economic competitiveness in New Caledonia. Economie et Statistique / Economics and Statistics, 499, 29-53.
https://doi.org/10.24187/ecostat.2018.499s.1938

https://insee.fr/fr/statistiques/3546921