Cour de cassation – Chambre sociale – 3 juin 2009
La société Adecco Nouvelle-Calédonie a embauché une salairée sous CDI le 25 février 2003 en qualité d’assistante junior.
Son salaire est composé pour partie d'un montant fixe et pour l'autre d'une commission sur "objectif atteint selon sa capacité à occuper pleinement son poste".
Cette salariée a démissionné le 24 novembre 2004 et accompagne sa démission de griefs à l'encontre d'Adecco et notamment elle dénonce le harcèlement dont elle était victime à la suite de l’annonce de sa grossesse.
Elle reproche également à l'employeur d'avoir modifié unilatéralement la part variable de sa rémunération.
Elle a alors saisi le Tribunal du travail en vue de la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes au titre de l’exécution du contrat et de sa rupture.
Suite au jugement rendu par le Tribunal du travail, la Cour d'appel de Nouméa à eu à se prononcer et a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes.
La Cour de cassation casse dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Nouméa.
Arrêt commenté : cass._soc._3_juin_2009
Cet arrêt confirme plusieurs positions jurisprudentielles constantes de la Cour de cassation, mais il se révèle fort intéressant en raison du contexte calédonien dans lequel il s'inscrit.
- La Cour de cassation rappelle tout d'abord une jurisprudence désormais constante s'agissant de la rémunération des salariés.
La rémunération est un élément esssentiel du contrat de travail que l'employeur ne peut modifier unilatéralement. Lorsque la rémunération comprend une part variable, celle-ci ne doit pas être laissée à la libre détermination, et donc à la libre volonté de l'employeur.
La Haute juridiction a déjà eu à se prononcer sur ce type de litige et considère qu'une clause du contrat de travail peut certes prévoir une variation de la rémunération du salarié dès lors que cette variation est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur (Cass. soc. 16 juin 2006, Bull. civ., V, n° 166).
Le fait que la salariée continuait de percevoir le même salaire se révèle inopérant dans la mesure où l'employeur qui touche à la structure de la rémunération doit avoir recours à la procédure de modification du contrat de travail, alors même que la rémunération se révèlerait être plus avantageuse pour la salariée.
- La Cour de cassation est ensuite appelée à appliquer une jurisprudence désormais constante concernant les effets de la prise d'acte de rupture du contrat de travail.
En se fondant sur le Code du travail de la Nouvelle-Calédonie (articles Lp. 122-1 et Lp. 122-33)1, La Cour de cassation applique à une rupture du contrat de travail qui ne correspond pas aux critères de la démission, la jurisprudence qu'elle a dégagée en matière de prise d'acte de rupture.
En effet, la démission doit être claire et non équivoque, ce qui n'est pas le cas lorsque le salarié émet des griefs à l'encontre de l'employeur.
Dans ce cas, les juges requalifient la démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail.
La Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence en date du 25 juin 2003 (3 arrêts), a fixé le régime juridique de ce mode de rupture. Ainsi, lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de griefs contre son employeur :
– Soit les faits reprochés à l’employeur justifient la rupture du contrat de travail et cette rupture produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Tel est le cas si les faits sont suffisamment graves : violences morales, non-paiement du salaire, non-respect de son obligation de sécurité, modification unilatérale du contrat de travail…
– Soit les faits reprochés à l’employeur ne sont pas fondés ou ne sont pas suffisamment graves, et cette rupture produit de fait les effets d’une démission. Le salarié peut alors être condamné à indemniser l’employeur pour non-respect du préavis.
Dans ces deux hypothèses, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail n’est pas requalifiée en licenciement ou en démission, elle produit seulement les effets de ces modes de rupture.
En l'espèce, la Cour de cassation fait produire à cette rupture du contrat de travail les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en se fondant sur la modification unilatérale d'un élément essentiel du contrat de travail de la salariée.
- Enfin, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur une clause de non-concurrence illicite.
La Cour d'appel de Nouméa a constaté l'illicéité de la clause de non-concurrence en raison de l'absence de contrepartie pécuniaire. Pour autant, les juges du fond n'ont pas alloué de dommages et intérêts à la salariée qui avait respecté cette clause illicite en raison de l'absence de préjudice et notamment du fait que celui-ci ne peut être déterminé.
La Cour de cassation rappelle au visa de l'article 1315 du Code civil, ensemble le principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle et les articles 1134 et 1147 du Code civil que la salariée qui a respecté une clause de non-concurrence illicite a nécessairement subi un préjudice qui doit être réparé.
L'employeur peut échapper au paiement de dommages et intérêts s'il prouve que la salariée a violé la clause de non-concurrence.
Il est à regretter que la Cour de cassation n'ait pas eu à se prononcer sur la licéité de la clause de non-concurrence au regard de son étendue géographique, car le point de savoir si une clause de non-concurrence couvrant l'intégralité du territoire de la Nouvelle-Calédonie n'est toujours pas tranché. Or, ce type de clause se révèle fort courant dans les entreprises calédoniennes.
1. Article Lp. 122-1 du Code du travail de la Nouvelle-Calédonie : "Le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié dans les conditions prévues par les dispositions du présent chapitre. Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d'essai".
Article L. 122-33 du Code du travail de la Nouvelle-Calédonie : "En cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié".