La décision du Conseil d’Etat sur l’élection du gouvernement


09-04-2011
Par Admin Admin

Le Conseil d’Etat a rendu, le 8 avril 2011, sa décision sur l’élection du premier gouvernement Martin du 3 mars 2011.

Vous trouverez cette décision ici :

 Conseil_dEtat_dcision_08_04_2011.pdf

Selon le Conseil d’Etat, les démissions « visaient à vicier la régularité de l’élection du président et du vice-président, et avaient en conséquence le caractère d’une manœuvre électorale qui doit demeurer sans incidence sur la régularité du scrutin ». Il valide ainsi l’élection du gouvernement chargé néanmoins d’expédier les affaires courantes. C’était la première question en débat.

Par une surmotivation ajoutée expressément pour dire le droit, le Conseil d’Etat paraît avoir fourni les indices d’une sortie possible de la crise politique. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie « ne pouvait, en raison des démissions opérées, être regardé comme complet ou comme restant susceptible d’être complété par appel aux suivants de la liste « Calédonie Ensemble » ; que cette impossibilité, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, empêchait en principe qu’il fût procédé à l’élection du président du gouvernement ». C’était la seconde question en débat. On croyait, suivant l’avis n° 05/04 du 22 juin 2004 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie que « l’élection du nouveau gouvernement ne peut être considérée comme réalisée qu’à l’issue des trois étapes du processus électoral respectivement prévues aux articles 109, 110 et 115 de la loi organique », en clair l’élection du président et du vice président. Le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, dans un avis du 24 février 2011, avait dit le contraire. Il considérait comme immédiatement élus les membres du gouvernement, même s’il ajoutait que ces membres ne pouvaient exercer leurs fonctions. La démission rendait le gouvernement incomplet, avant même sa constitution On se reportera à :

http://larje.univ-nc.nc/index.php?option=com_content&view=article&id=231:crise-politique-lavis-du-tribunal-administratif&catid=15:droit-de-la-nouvelle-caledonie&Itemid=46

Le Conseil d’Etat reconnaît que le gouvernement est incomplet, mais il fournit implicitement la solution. Le Haut-commissaire reprend place au centre du jeu :

  • Soit il ne convoque pas le gouvernement, car il pense que le motif des démissions est légitime (comme l’exemple de l’affaire Suzy Vigouroux en 2004 avec le gouvernement Thémereau 1 ou de l’élection du gouvernement Martin 1 en 2007) et on retourne au Congrès, sans passer par la case d’un gouvernement démissionnaire pendant 15 jours,
  • Soit il convoque un gouvernement incomplet, car c’est une manœuvre électorale. Tout le monde a droit à siéger au gouvernement, mais nul n’y est contraint. L’avantage est qu’on peut raisonnablement soutenir que ce gouvernement incomplet n’exécute plus les affaires courantes, mais est régulièrement et définitivement constitué.

Sur l’histoire des crises, on se reportera à :

http://larje.univ-nc.nc/index.php?option=com_content&view=article&id=230:crise-politique-ou-crise-institutionnelle-&catid=15:droit-de-la-nouvelle-caledonie&Itemid=46

La modification de la loi organique n’est alors plus absolument nécessaire à la sortie de crise. Un autre raisonnement était possible et avait commencé à être envisagé par le vœu du Congrès, voté le 1er avril. Il consistait à dire que le président du Congrès pouvait différer la convocation de celui-ci tant que les choses restaient en l’état, pour laisser place à la négociation politique. Puis, s’il convoquait, le président pouvait n’admettre au vote que les listes sincères, celles qui veulent participer au gouvernement, sans manœuvre électorale. Ce raisonnement est très proche. Dans la décision actuelle du Conseil d’Etat, c’est le Haut-commissaire qui est au centre du jeu ; dans l’autre raisonnement, c’était le président du Congrès.

Vers une modification de la loi organique ?

Il faudrait sans doute quand même modifier l’article 121 de la loi organique pour éviter de nouveaux abus de droit. Deux solutions semblent se dessiner :

  • Le mécanisme de la démission d’office ne fonctionnerait qu’une fois dans une période donnée (1 an par exemple) par groupe politique et par signataire d’une liste ; cette solution est la plus douce.
  • Il n’y a plus de démission d’office du gouvernement : on remplace les élus de la liste défaillante par une autre liste, sur désignation du parti en cause, ratifiée par le Congrès. Cette solution est sans doute défendable au regard de l’Accord de Nouméa, mais renforce la dérive vers le régime d’assemblée. Elle souligne aussi que la motion de censure de l’article 95 de la loi organique est la voie normale de renversement du gouvernement.

Et le Congrès ?

Le groupe Calédonie ensemble a ouvert un second front, qui est de tenter la paralysie du Congrès. Harold Martin a été remplacé en qualité de président du Congrès par son 1er vice-président Léonard Sam qui est Calédonie ensemble, du fait de l’incompatibilité entre les fonctions de membre du gouvernement et de membre du Congrès (article 118 de la loi organique). Léonard Sam, par une lettre du 28 mars 2011, avait souhaité différer l’élection du président du Congrès d’une semaine. La majorité des membres du Congrès y avait fait obstacle en utilisant l’article 66 de la loi organique qui dispose : « Le congrès est réuni en session extraordinaire à la demande du gouvernement, de la majorité de ses membres ou du haut-commissaire, sur un ordre du jour déterminé et sur convocation de son président». Calédonie ensemble a déposé un recours contre cette élection de Roch Wamytan, du groupe FLNKS, à la présidence du Congrès. Si la question du contenu de l’ordre du jour est bien décidée par le Congrès, ce dernier a forcé la main de son président sur la date. C’est sans doute illégal, mais le raisonnement du Conseil d’Etat peut être transposé au Congrès de la Nouvelle-Calédonie et le caractère de manœuvre électorale dans l’attitude du président du Congrès peut être argumenté.