Actualités du droit de la mine et de l’environnement


22-12-2009

 

 

 

Le droit de la mine vit intensément en Calédonie. La raison est à rechercher dans les enjeux économiques. L’impact sur l’environnement fait l’objet de tous les discours, par l’utilisation systématique de l’oxymore « développement durable », alors que la mine par son principe même d’extraction détruit une ressource non renouvelable…

Plusieurs décisions du TANC sont intervenues fin 2009 ; les acteurs nous sont familiers :

       Le code de l’environnement et la SLN ;

     Le schéma de mise en valeur des richesses minières et l’ASSOCIATION Ensemble pour la planète ;

       Le conflit Vale Inco / Province Sud à propos des permis de recherche de la SLN à Prony

1.     Le code de l’environnement et la SLN : Pour demander l’annulation de la délibération n° 25-2009/APS du 20 mars 2009 relative au code de l’environnement de la province Sud, la SOCIETE LE NICKEL soutenait que la province Sud ne pouvait arrêter une réglementation environnementale qui a vocation à s’appliquer aux sites miniers et à l’exploitation des gisements dans la mesure où la Nouvelle-Calédonie est  seule compétente en matière de réglementation relative aux hydrocarbures, au nickel, au chrome et au cobalt. Pour le TANC, dans sa décision du 17 novembre 2009, ces dispositions ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de priver les provinces, qui disposent de la compétence de principe en matière d’environnement, de la possibilité d’arrêter des prescriptions environnementales qui ont vocation à s’appliquer sur l’ensemble de leur territoire et donc éventuellement sur les sites miniers. Cette décision est éclairée par les conclusions du rapporteur public Briseul, disponibles ci-dessous.

La décision du TANC du 17 novembre 2009 est disponible ici :

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Le débat sur les compétences respectives de la Nouvelle-Calédonie et des ses provinces est récurrent. Pour une réflexion globale, on peut renvoyer à l’article conjoint de Mathias Chauchat et Yoann Toubhans, à la Revue Française de Droit Administratif, n° 06/2006 Novembre-Décembre 2006, p. 1124, disponible ici :

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2.     Le schéma de mise en valeur des richesses minières et l’ASSOCIATION Ensemble pour la planète : l’association avait demandé au tribunal d’annuler pour excès de pouvoir la délibération n° 466 en date du 18 mars 2009 par laquelle le congrès de la Nouvelle-Calédonie a arrêté les dispositions du schéma de mise en valeur des richesses minières. L’association invoquait l’article 4 de la charte de l’environnement de 2004, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi » et l’article 7 de la Charte qui dispose : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement », ainsi que l’article 8 de la convention d’Aarhus, sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée le 25 juin 1998 par 39 Etats dont la France (loi n°2002-285 du 28 février 2002 ) qui vise à créer « les droits de l’homme » de l’environnement.

Le jugement qui rejette le recours de EPLP est décevant et le juge lui-même fait part de son désappointement. Si le schéma de mise en valeur des richesses minières énonce les principes directeurs en matière de protection de l’environnement pour l’exploitation des gisements, « pour regrettable qu’elle soit, la circonstance que l’impératif qui s’attache au respect du principe « pollueur payeur » énoncé à l’article 4 de la charte de l’environnement ne serait pas rappelé et que le principe de réparation des dommages environnementaux ne serait prévu par aucune des dispositions de ce schéma, ne saurait, à elle seule, entacher d’illégalité cet acte ; qu’au demeurant, en application des dispositions du code minier de la Nouvelle-Calédonie, toute décision individuelle prise dans le cadre de la réglementation minière devra prévoir la réparation des dommages environnementaux causés par les exploitants ». Quant à la convention d’Aarhus, elle ne bénéficie pas du caractère self executing. Les stipulations de l’article 8 de la convention d’Aarhus, selon lesquelles « Chaque Partie s’emploie à promouvoir une participation effective du public à un stade approprié – et tant que les options sont encore ouvertes – durant la phase d’élaboration par des autorités publiques des dispositions réglementaires et autres règles juridiquement contraignantes d’application générale qui peuvent avoir un effet important sur l’environnement (…) » « créent seulement des obligations entre les Etats parties à la convention et ne produisent pas d’effets directs dans l’ordre juridique interne ; qu’elles ne peuvent, par suite,  être utilement invoquées à l’encontre de la délibération attaquée ».

La décision du TANC du 29 octobre 2009 est disponible ici :

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3.     Le conflit Vale Inco / Province Sud à propos des permis de recherche de la SLN à Prony : Il y a là un enjeu économique très important dans la lutte que mènent les opérateurs miniers pour le contrôle de la ressource. La société VALE INCO, demandait l’annulation des délibérations n° 2-2009/BAPS et 3-2009/BAPS du bureau de l’assemblée de la province Sud attribuant à la société Le Nickel deux permis de recherche minière « A » pour l’exploitation des gisements de Prony et Pernod. Il ne faut pas sous-estimer la notion de permis de recherche. Si la société attributaire effectue les travaux de recherche nécessaires, elle bénéficiera automatiquement du permis d’exploitation. L’enjeu est considérable pour l’extension de l’usine du Sud ou la création à terme d’un autre centre industriel SLN dans le Sud. Le tribunal annule ces délibérations, ce qui permettra un nouveau regard de la province Sud, avec l’équipe élue aux provinciales de 2009,  sur ces questions. Le motif est que le bureau de l’assemblée de la province Sud, pour accorder à la société Le Nickel les permis de recherche litigieux, s’était fondé sur le motif déterminant tiré de  l’engagement pris par le pétitionnaire de valoriser les gisements exploitables au capital d’une société de projet détenu à parts égales par ladite société et la province Sud, conformément aux stipulations d’une convention conclue le 20 janvier 2009 entre le président de l’assemblée de la province Sud et la société Le Nickel, approuvée par délibération du 9 janvier 2009 du bureau de l’assemblée. Un peu à la manière du projet du Nord. Mais, « s’il était habilité à se prononcer sur les décisions d’application de la réglementation minière, le bureau de l’assemblée de la province Sud ne disposait d’aucune base légale pour subordonner l’octroi des permis sollicités à un tel engagement ».  ; qu’au demeurant, aucune disposition législative ou réglementaire « n’autorisait cette collectivité territoriale à constituer avec un opérateur privé une société titulaire de titres miniers dont l’objet social de valorisation de la ressource minière, qui ne peut être regardé comme relatif à la gestion d’un service d’intérêt général ».

Cette annulation ne se limite donc pas à une simple question de forme et repose la problématique de l’économie mixte calédonienne, économie semi publique, malgré les apparences et les proclamations répétées d’un « pays de pionniers », basé sur l’initiative privée.

La décision du TANC du 17 novembre 2009 est disponible ici :

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Le code de l’environnement et la SLN

CONCLUSIONS DU RAPPORTEUR PUBLIC

Jean-Paul  BRISEUL

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Société Le Nickel

Rapporteur : JFD

Audience du 29 octobre 2009

La codification du droit de l’environnement n’est pas une idée neuve. Elle a été réclamée alors que le ministère de l’environnement n’avait que cinq ans d’existence et que les lois nouvelles sur l’environnement n’étaient pas encore adoptées . Le 23 janvier 1976 dans un discours prononcé à La Roch- sur-Yon, Jean Lecanuet, garde des Sceaux déclarait :  » Je crois nécessaire pour faciliter l’action des praticiens, de faire procéder à la rédaction du code de l’environnement « .

L’œuvre de codification a dû toutefois surmonter un obstacle de fond important lié à la transversalité de la matière. Pour certains, la diversité des sources du droit de l’environnement et notamment les connexions entre le droit minier et le droit de l’environnement, rendait la codification impossible.

D’un rapide survol de la littérature juridique sur la question, nous avons noté quelques titres révélateurs. Ainsi, dans le numéro 254 de la revue de droit rural un article est intitulé  » La codification de l’impossible « , et dans un article de la revue Française de droit administratif de 1990  » La codification de l’impossible, du code rural au code de l’environnement « .

Il n’en reste pas moins vrai, ici comme ailleurs, que la codification était devenue nécessaire. Elle l’était d’autant plus en Nouvelle-Calédonie où, à la complexité matérielle du droit de l’environnement s’ajoute la complexité institutionnelle d’un pays en devenir, au sens de l’arrêt Genelle.

Comme le souligne le professeur Prieur,  » Toute codification répond à un double besoin : mieux connaître le contenu du droit et le rendre plus accessible à tous pour qu’il soit mieux appliqué, faire en sorte que le droit de l’environnement en étant consacré par un code, soit reconnu comme une valeur sociale légitime et non controversée. « .

C’est dans cette optique que la Province Sud a entrepris un travail de codification à  » droit constant « , mais aussi de refonte et de modernisation du droit.

Ce travail salutaire d’assainissement et de modernisation du droit de l’environnement s’est concrétisé par une délibération du 20 mars 2009 relative au code de l’environnement de la province Sud. Cette délibération a été précédée d’un vaste débat public, auquel ont été associées toutes les forces vives du territoire et notamment les forces économiques au nombre desquelles figuraient la SLN, et cette méthode d’élaboration du droit par une  participation active des composantes essentielles de la société civile nous semble être un modèle du genre.

La SLN vous demande d’annuler cette délibération.

Le moyen central de ce recours est fondé sur l’inexacte application de la règle de répartition des compétences en matière d’environnement et de réglementation minière, entre les différents niveaux d’administration territoriale : Etat, Nouvelle-Calédonie, Province, Commune.

Eu égard à la complexité matérielle du droit de l’environnement et à la spécificité institutionnelle de la Nouvell- Calédonie, notre première inclination était de considérer que ce moyen était sérieux quant à l’inexacte application  de la répartition des compétences et que ce moyen, dès lors qu’il était reconnu comme sérieux,  devait déclencher la mise en ouvre de l’article 205 de la loi organique du 19 mars 1999, qui entraîne la transmission du dossier sans délai au Conseil d’Etat pour avis.

Vous avez usé de cette possibilité à plusieurs reprises :

Avis CE 28 avril 2000 Sotty et autres, répartition des compétences en matière de nomination des fonctionnaires entre l’ Etat et la Nouvelle-Calédonie.

Avis CE du 3 avril 2002 Société l’Exotique  répartition des compétences en matière audio visuelle entre l’Etat et les provinces selon les dispositions antérieures à la loi organique de 1999.

Avis CE 22 septembre 2006 commune du Mont Dore, répartition des compétences entre province et communes sur le domaine public routier.

En revanche, vous n’avez pas saisi le Conseil d’Etat d’une question de compétence entre l’Etat et le Congrès concernant les dessertes aériennes.

Assurément, les cas de saisines l’emportent sur les cas où vous avez considéré qu’il n’y avait pas lieu d’y faire droit. Au regard de ce qu’il est convenu d’appeler « moyen sérieux », au sens de votre jurisprudence, et après un nécessaire mûrissement de notre pensée, nous considérons que le moyen en cause n’est pas susceptible de présenter un caractère sérieux au sens de l’article 205 de la loi organique.

Nous le démontrerons à partir de trois propositions :

1) La Nouvelle-Calédonie est compétente pour arrêter la réglementation relative aux richesses minières, hydrocarbures, nickel, chrome, cobalt.

2) La province exerce une compétence de principe dans le domaine de l’environnement, (Voir l’ouvrage de Mme Martini, le développement durable en Nouvelle -Calédonie).

3) Rien ne s’oppose à ce que la province adopte des prescriptions environnementales qui ont vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire provincial, y compris sur les

territoires miniers. On ne saurait envisager des exclusions territoriales pour l’application du droit de l’environnement. Le moyen n’est pas sérieux.

Poursuivons l’analyse des moyens : la SLN se réfère ensuite au schéma minier pour conforter la thèse du chevauchement des compétences en matière environnementales et en matière minière.

Le schéma minier incorpore sans aucun doute des préoccupations environnementales, comme nous l’avons développé de nos conclusions sur le schéma minier, à la suite d’un recours d’EPLP. Cela est conforme à une évolution du droit parfaitement repérable dans le droit métropolitain. Toutefois, le schéma n’a pas de portée normative, il implique un simple lien de compatibilité.  En toute hypothèse, cette approche matérielle du droit ne remet pas en cause la répartition organique des compétences, et ne justifiait nullement la consultation du comité consultatif des mines et du conseil des mines.

Les autres moyens développés sont inopérants ou infondés.

PCMNC au rejet