Grèce, France, € et conférence nationale 2010 des finances publiques


30-01-2010

La bulle des déficits publics a explosé. Le public ne le sait pas encore, mais le grand ménage a commencé. On ne sort pas de la crise ; on y rentre. Presque partout, l'année 2010 verra l’affaissement de la reprise, car les plans de relance et les politiques monétaires seront arrivés à leur terme. Si la demande privée ne prend pas le relais du soutien public, aucune reprise forte et durable ne peut être assurée.

Dans l’ensemble, les pays qui ont le plus laissé filer les déficits ont eu la plus faible récession. La France se vante d’avoir fait – 2,25 % en 2009 contre – 5 % en Allemagne. Mais comparativement, le PIB grec n'a baissé que de 1,1 % en 2009…

Or à Athènes, le déficit frôle les 13 % du PIB et la dette publique 113 %, très au-dessus des limites européennes (respectivement 3 % et 60 %). La Grèce est le pays de l'Union européenne qui représente le risque le plus fort d'insoutenabilité des finances publiques.

 

Grèce et France ont bien des points en commun

L'Etat grec souffre d'un déficit structurel chronique. D'abord, la Grèce, qui a toujours été fortement endettée, n'a pas profité des années de forte croissance, entre 2000 et 2005, pour assainir ses finances publiques. Ensuite, la Grèce n'a pas encore introduit les mesures nécessaires pour amortir le choc du vieillissement de la population, ce qui va entraîner de fortes hausses des dépenses publiques. Or, les recettes fiscales sont insuffisantes pour compenser ces dépenses. L'économie souterraine dans les services à  domicile et dans le tourisme est estimée à 20 % du PIB. Autant d’argent qui échappe à l'impôt. Par ailleurs, la collecte de ce dernier est inefficace, les niches fiscales nombreuses et l'assiette de l'impôt sur le revenu étroite.

Le problème, c'est que le cas grec risque de produire un effet domino sur les autres pays européens, dont l'état dégradé des finances inquiète aussi les marchés. On ne peut pas parler de « faillite » pour un Etat ; il s’agit plus simplement d’un non remboursement (appelé pudiquement moratoire) de ses obligations émises, c’est-à-dire sa dette. C’est bien ce qui inquiète au plus haut point les prêteurs devenus créanciers… Ainsi, le Portugal, l'Italie, l'Irlande, l'Espagne et la France seront davantage surveillés par les spéculateurs. Si les taux d’intérêts réels augmentent, ces pays, y compris la France, auront beaucoup de mal à payer l’intérêt de la dette. Signe du manque de confiance des investisseurs envers la Grèce, le rendement de l'obligation grecque a bondi à des niveaux extrêmes – plus de 7%… Les agences de notation ont d'ailleurs déjà prévenu la France qu'elle devait très rapidement présenter un plan de résorption des déficits. Sinon, adieu la note prestigieuse «triple A» qui permet à Paris d'emprunter à très bon marché. La facture des déficits est bien arrivée.

 

Revenir dans les clous du traité de Masstricht ?

C’est pourquoi le président et le gouvernement ont réuni ce jeudi 28 janvier 2010 la conférence nationale des finances publiques. Il n’en est rien sorti. Dans la mesure où, pour l'instant, Nicolas Sarkozy exclut toute hausse des prélèvements, la France n'a d'autres choix que de cesser d'être la championne des dépenses publiques.

Thomas Bronnec, envoyé de l’express, cite Gilles Carrez, rapporteur UMP du budget à l’Assemblée, qui a lâché, au milieu d’un exposé brillant, une critique à peine feutrée de la politique du gouvernement. "Maîtriser la dépense publique ne se résume pas au slogan : ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite. On peut aussi augmenter les recettes de manière temporaire, et nous n'éviterons pas une hausse des impôts, notamment une hausse des prélèvements sociaux, comme la CSG ou la CRDS. Mais il faudrait déjà réussir à convaincre de ne pas baisser les impôts", a-t-il ajouté, en référence aux dernières mesures sur la diminution de la TVA sur la restauration ou la suppression de la taxe professionnelle. Et de conclure : "Si on finance les baisses d'impôt par la dette, la dernière digue saute".

 

Thomas Bronnec a été particulièrement attentif également aux propos de Carine Bouthevillain, une économiste de la Banque de France, qui ne croit visiblement pas à l'efficacité des seules mesures de maîtrise de la dépense publique. "Mécaniquement, la dette va exploser à 125 %, voire 130 % à dix ans, me disait-elle à la mi-temps de ce colloque. D’après nos études internes, pour revenir à une situation soutenable, c’est à dire une dette à 60 %, il faudrait limiter à 0 % leur croissance réelle sur 15 ans. Il s’agit d’un effort gigantesque".

 

François Fillon a quand même promis de revenir dans les clous du Traité de Maastricht d'ici 2013…

 

Cela va être sportif. Il va falloir trouver 100 milliards d'euros d'ici là. Eric Woerth assure que la fin des dépenses associées au plan de relance, conjuguée à la hausse des recettes fiscales, permettra de rapporter 50 milliards. Admettons. Il en reste donc, à la louche, au moins 50 à trouver. Une somme équivalente à la totalité de l’impôt sur le revenu !

 

L'application de la règle de la suppression de un fonctionnaire sur deux permet certes de faire des économies, mais de bout de chandelle : 500 millions d'euros par an, à peine. Ensuite, réduire d'un point les dépenses de l'assurance-maladie, cela représente seulement 1,6 milliard d'économies. Enfin, limiter les dépenses des collectivités locales, appelées par le gouvernement à faire l'effort le plus important, cela pourrait s’avérer contraire à la Constitution, car l’Etat a transféré des dépenses sans donner une juste compensation en retour. De plus, les collectivités ne représentent que 20 % des dépenses publiques, contre 45 % pour la Sécurité sociale et 28 % pour l'Etat, et refusent d'endosser le rôle du bouc émissaire.

 

Bilan, il va falloir agir sur le niveau des impôts : hyperinflation ou hyperimpôt, on n’en sortira pas. Les niches fiscales, dont le bouclier fiscal qui empêche les plus riches d’être concernés par la hausse des impôts, vont être sur la sellette. Elles représentent 140 milliards d’€ de manque à gagner. La Nouvelle-Calédonie ou plutôt une petite partie fortunée de sa population, en a bien profité… Comme disait Gilles Carrez avec humour désabusé : « Dans chaque niche, il y a un chien qui mord ! ».

 

Le rappel est cruel. Il a été fait par le magazine Challenges. Lors de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait promis de gouverner avec une équipe resserrée à 15 ministres. Cet engagement n'aura tenu qu'un mois, jusqu'au remaniement de juin 2007. Depuis, la marée monte. Le gouvernement de François Fillon réunit désormais 19 ministres et 18 secrétaires d'Etat, là où celui d'Angela Merkel, en Allemagne, ne compte que 15 ministres et 3 adjoints. Le président s'est montré particulièrement créatif en nommant un ministre de la relance, un secrétaire d'Etat chargé des Aînés, ou encore un haut-commissaire aux Solidarités actives. Du coup, les effectifs des cabinets ministériels n'ont pas vraiment maigri, atteignant aujourd'hui le nombre de 626, contre 582 dans le gouvernement Jospin de 2001, selon le député socialiste René Dosière. Si l'on ajoute les fonctions «support» (secrétariat, sécurité…), le total s'élève à 3 277, contre 3 170 sous le gouvernement Raffarin de 2003, première statistique connue. Si l’Etat ne sait pas être exemplaire, il ne convaincra pas.