La modification envisagée de l’article 121 de la loi organique


28-04-2011

L’article 121 de la loi organique précise que « lorsqu’un membre du gouvernement cesse d’exercer ses fonctions, le candidat suivant de la liste sur laquelle celui-ci avait été élu le remplace. Ce remplacement est notifié sans délai au président du congrès et au haut-commissaire, ainsi que, le cas échéant, au président de l’assemblée de province intéressée. Lorsqu’il ne peut plus être fait application de l’alinéa précédent, le gouvernement est démissionnaire de plein droit et il est procédé à l’élection d’un nouveau gouvernement dans un délai 15 jours ».  L’équilibre politique prévu par l’Accord de Nouméa ne peut plus en effet être réuni. C’est alors au Congrès de se prononcer pour le rétablir.

Cette disposition a ouvert une possibilité de manœuvre à un parti, quand bien même il n‘aurait qu’un élu, qui souhaiterait recomposer le gouvernement. Il lui suffit de faire démissionner l’ensemble de ses colistiers et de leurs remplaçants éventuels. Cela évite d’utiliser la motion de censure de l’article 95, qui est la procédure normale pour renverser le gouvernement. Cette opportunité s’est déjà présentée de multiples fois :

http://larje.univ-nc.nc/index.php?option=com_content&view=article&id=230:crise-politique-ou-crise-institutionnelle-&catid=15:droit-de-la-nouvelle-caledonie&Itemid=46

C’est la technique qui a été utilisée, à répétitions, par le parti Calédonie ensemble pour obtenir de l’Etat la dissolution du Congrès.  Cet abus de droit a été mis en échec par le Conseil d’Etat qui a parlé de manœuvre électorale. Selon le Conseil d’Etat dans sa décision du 8 avril 2011, les démissions « visaient à vicier la régularité de l’élection du président et du vice-président, et avaient en conséquence le caractère d’une manœuvre électorale qui doit demeurer sans incidence sur la régularité du scrutin ». Il valide ainsi l’élection du gouvernement chargé néanmoins d’expédier les affaires courantes :

http://larje.univ-nc.nc/index.php?option=com_content&view=article&id=236:la-decision-du-conseil-detat-sur-lelection-du-gouvernement&catid=15:droit-de-la-nouvelle-caledonie&Itemid=46

Le RUMP, l’Avenir ensemble et le groupe FLNKS du Congrès ont souhaité une modification de la loi organique, suggestion retenue par la Ministre de l’Outre-mer, pour éviter la répétition du scénario de la crise politique. Deux solutions semblaient se dessiner :

  • Le mécanisme de la démission d’office ne fonctionnerait qu’une fois dans une période donnée (1 an par exemple) par groupe politique et par signataire d’une liste ; cette solution est la plus douce.
  • Il n’y a plus de démission d’office du gouvernement : on remplace les élus de la liste défaillante par une autre liste, sur désignation du parti en cause, ratifiée par le Congrès. Cette solution est sans doute défendable au regard de l’Accord de Nouméa, mais renforce la dérive vers le régime d’assemblée. Elle souligne aussi que la motion de censure de l’article 95 de la loi organique est la voie normale de renversement du gouvernement.

Curieusement, la Ministre a retenu un mixte de ces deux solutions ; elle a chargé le Haut-commissaire d’organiser les consultations locales sur la base du document ci-joint :

Proposition_Etat_art_121.pdf

Il s’agit de maintenir le mécanisme de la démission du gouvernement par démission complète d’une liste, qu’on considère comme intimement lié à la collégialité, mais en évitant que le scénario ne se reproduise trop souvent. Cette synthèse constitutionnelle est-elle fonctionnelle ? Si un groupe a utilisé cette possibilité une fois, le scénario ne peut se reproduire. On ne renouvelle alors que les membres de la liste qui a démissionné.

On remarque deux points de faiblesse.

  • Le premier tient à la rupture d’égalité entre les groupes politiques ayant présenté des listes à l’élection du gouvernement. Si un groupe utilise cette possibilité, les autres ne peuvent plus s’en prévaloir. Or, le changement de gouvernement peut justifier pour un groupe minoritaire de vouloir utiliser justement cette procédure.
  • Le second point de faiblesse tient à l’attitude du Congrès. Si par hypothèse, on ne renouvelle, la seconde fois, que les  seuls membres ayant démissionné, le Congrès élit par un vote à la majorité simple la nouvelle liste. Il paraît être en situation de compétence liée. Mais les élus voudront-ils s’y plier ? Que se passera t-il si les membres du Congrès des autres groupes refusent de siéger, ou pire, votent contre la liste présentée ? Le gouvernement gérera t-il bien alors les seules affaires courantes ?

A trop vouloir ne pas choisir entre deux logiques, on a créé de nouvelles zones d’ombre. Sans doute le débat parlementaire et les consultations pourraient être l’occasion de revenir à un système plus simple limitant pour chaque groupe de manière identique dans le temps la possibilité de démissionner en faisant chuter le gouvernement.