Clé de répartition : la proposition de Calédonie ensemble


23-01-2011

La clé de répartition est gravée à l’article 181 de la loi organique (50 % pour la province Sud, 32 % pour la province Nord et 18 % pour la province des Îles Loyauté, pour la dotation de fonctionnement). Il faut, pour la modifier, une majorité des 3/5ème au Congrès, dont ne dispose pas le pacte républicain.

La province Sud concentrait déjà en 1999 (à la date de la loi organique) 68 % de la population, le Nord 21 % et les îles 11 %. Aujourd’hui, la population en 2009 de la province Sud est 74,5 %, celle du Nord de 18,4 % et celle des Îles de 7,1 %. On notera quand même que le déséquilibre, s’il s’est accentué, ne l’a pas non plus été de manière écrasante. Les indépendantistes considèrent qu’il n’y a pas que l’exode rural qui est responsable de faire enfler le Sud. Ils demandent qu’on déduise des chiffres les immigrants français… Bref, c’est un débat complexe qui nécessite de s’interroger sur le principe du rééquilibrage et sur les compromis possibles au Congrès.

C’est une question récurrente. On se reportera aux articles précédents en suivant le lien :

http://larje.univ-nc.nc/index.php?option=com_content&view=article&id=131:flux-migratoires-et-cle-de-repartition&catid=16&Itemid=50

Le Rassemblement avait déposé le 18 octobre 2010 une proposition de loi du pays portant affectation de recettes fiscales et une proposition de délibération portant création du fonds de développement des collectivités locales. Ces propositions étaient signées par les élus du RUMP, à l’exception notable de Léontine Ponga, élue du Nord.

On se reportera à : http://larje.univ-nc.nc/index.php?option=com_content&view=article&id=215:la-cle-de-repartition-la-proposition-du-rump&catid=15:droit-de-la-nouvelle-caledonie&Itemid=46

Cette proposition de loi du pays, en ce qu’elle vise à contourner presque explicitement la majorité des 3/5ème nécessaire à la modification de la clé de répartition, était tout simplement contraire à la loi organique, disons inconstitutionnelle pour faire simple. Ce n’est pas un raisonnement juridique compliqué. La loi organique a fixé les recettes fiscales de la Nouvelle-Calédonie ; elle les a réparties suivant une clé de répartition fixée à l’article 181 sans prévoir d’autres modalités ; elle a fixé une procédure particulière de modification à la majorité des 3/5ème. Si on touche à la procédure elle même (en utilisant la majorité simple), ou à l’équilibre des masses financières (en retirant des recettes de l’assiette fiscale de la Nouvelle-Calédonie pour les affecter à un fonds), on ne respecte pas la loi organique. Et la réponse politique sur le fonds de développement interprovincial est venue de la province Nord le 22 décembre 2010. Le président Paul Néaoutyine s’est fermement opposé à la création d’un « mode de gouvernance d’opérations provinciales à l’échelle de la Nouvelle-Calédonie (…) qui propose tout simplement la mise en œuvre d’une gouvernance parallèle ». Il a poursuivi : « Je ne veux participer à rien qui soit utilisé à contourner ou à déstabiliser le bon fonctionnement des institutions de l’Accord de Nouméa ».

Calédonie ensemble a alors déposé deux propositions de loi du pays. La première vise à modifier la clé de répartition pour tenir compte des évolutions de population. La clé passerait à 56,5 %, 29,30 % et 14,20 % respectivement pour le Sud, le Nord et les Îles. La seconde vise à créer des centimes additionnels sur les produits de jeux qui seraient prélevés par la province où est situé l’établissement, donc le Sud.  Le président du Congrès les a transmise pour avis au Conseil d’Etat, suivant l’article 100 de la loi organique. Le Conseil d’Etat a répondu le 13 janvier 2011, sous les n° 384.776 et 384.777.

Ces avis sont disponibles ici : Avis_CE_n_384776_2011.pdf Avis_CE_384777_2011.pdf

Analysons les réponses.

Il n’est pas impossible de modifier raisonnablement la clé de répartition, dit le Conseil d’Etat en substance, car cela ne remet pas en cause le rééquilibrage et n’entrave pas le principe de libre administration des provinces qui doivent conserver suffisamment de moyens. On ne peut toutefois pas mettre en place un mécanisme d’actualisation automatique car cette règle qui s’imposerait au Congrès et au gouvernement revêt un caractère organique qui nécessiterait une loi organique. Mais, il faudra la majorité des 3/5ème. Elle n’est pas acquise. Rien de fondamental n’a changé.

Sur la création d’un impôt nouveau, dont l’assiette se situerait hors clé de répartition, cela n’est pas impossible non plus. Et cela se vote à la majorité simple. On le sait depuis la création de la taxe téléphonique provinciale. Calédonie ensemble propose ensuite, avec une certaine démagogie, de réduire le taux de la taxe sur les spectacles pour maintenir en l’état la pression fiscale. En baissant les impôts, on commence à toucher à l’assiette, mais cela concerne les trois provinces solidairement… Le Conseil d’Etat l’estime possible par un raisonnement qui laisse percer son trouble : cette réduction « ne fait pas apparaître un risque de réduction en valeur absolue de la dotation de fonctionnement des provinces Nord et îles », qui entraverait leur libre administration. On peut donc jouer un peu à la marge à la condition de ne pas réduire en valeur absolue la dotation des provinces Nord et Îles et de ne porter atteinte ni au principe du rééquilibrage, ni à celui de leur libre administration.

Les avis confirment largement ce que l’on savait déjà. Ils ont le mérite de le formaliser.

Il n’est pas sûr qu’il y ait urgence à délibérer de cette question, car les budgets 2011 sont tous votés… Sans doute vaudrait-il mieux un débat global et serein sur la réforme de la fiscalité directe et indirecte au Congrès et un consensus sur sa modernisation entre tous les groupes politiques.