Fin de partie : la mission d’assistance à la Polynésie française


02-05-2010
Par Admin Admin

La Polynésie souffre de l’épuisement d’un modèle bâti sur la consommation de la rente publique. Après la précédente demande du président Temaru, les difficultés budgétaires et financières de la Polynésie française ont conduit le président Gaston Tong Sang à demander au gouvernement français l’expertise des corps d’inspection de l’État pour identifier les marges de manœuvre pouvant être dégagées

Cette mission est menée conjointement par les 3 inspections, inspection générale des finances, inspection générale des affaires sociales et inspection générale de l’administration. Les objectifs sont ambitieux et lapidaires :

  • « revenir à l’équilibre budgétaire le plus rapidement possible ;
  • dégager, sur le budget de fonctionnement, une épargne nette permettant d’accroître l’autofinancement de l’investissement public ;
  • rechercher un dimensionnement plus adéquat de la sphère publique (60 services administratifs, 32 établissements publics, Sem, etc.), pouvant également conduire à abandonner des actifs non essentiels ».

Casser la spirale négative des finances publiques

Entre 2008 et 2009, le PIB a reculé de 3 %, l’emploi a chuté de 7 %, la dette a bondi de 13 milliards de FCFP et représente 76 % des recettes de fonctionnement du pays. L’agence Standard & Poor’s vient d’abaisser la note de la Polynésie française de BBB+ à BBB-, la reléguant au rang des obligations pourries. La Polynésie n’a pu emprunter que 12,8 milliards de FCFP sur les 19,5 milliards nécessaires au budget en 2010. Un scénario à la grecque.

La mission annonce ainsi l’objectif de réduire de 30 % en cinq ans les dépenses de fonctionnement. Une telle réduction est considérable et les références sont à rechercher du côté des pays en développement soumis à plans d’ajustement structurel du FMI et de la Banque Mondiale. Même si les personnels actifs ou les syndicats préféreront renoncer à tout recrutement futur, en ne remplaçant aucun départ, il sera difficile de ne pas se poser la question de la désindexation. Il faudra, également et nécessairement, agir du côté des recettes et explorer les voies d’amélioration de la fiscalité existante pour la réformer profondément : l’impôt sur le revenu est en vue, mais aussi, pudiquement dit, « la diminution de la dépense fiscale afférente à la défiscalisation des investissements sera également expertisée ». La défiscalisation, magie d’hier, n’est décidément plus à la mode…

Réduire le périmètre des structures publiques

La mission annonce aussi la nécessité de réduire significativement le nombre de structures publiques. « L’examen des divers satellites et démembrements de la collectivité (établissements publics administratifs ou industriels et commerciaux, Sem, GIE, budgets annexes) sera conduit sans concession. Il conviendra d’appréhender ces organismes par grands secteurs d’intervention, en fonction de leurs enjeux financiers et budgétaires, parmi la liste (non limitative) figurant ci-dessous :

– la sphère télécommunications / média / communication : office des postes et télécommunications (OPT), Tahiti Nui TV (TNTV), Agence tahitienne de presse (ATP), Institut de la communication audiovisuelle (Ica) ;

– le secteur équipement / aménagement / logement : Sagep, Établissement d’aménagement et de développement (EAD), office polynésien de l’habitat (OPH), fonds de développement des archipels, Établissement de gestion et d’aménagement de Teva ;

– les interventions en matière de pêche et de productions agricoles et maritimes : SA Huilerie de Tahiti, établissement public “Caisse de soutien des prix du coprah (CSPC)”, Établissement Vanille de Tahiti (EVT), Sem “Abattage de Tahiti”, Sem Tahiti Nui Rava’ai (TNR), qui effectue le portage de bateaux de pêche défiscalisés, la Maison de la perle, très récemment créée ;

– les interventions en matière d’insertion et de formation, notamment l’Établissement public administratif pour la prévention (Epap) ».

Toutes ces structures ont en commun d’être déficitaires. Les pays français d’Outre-mer, sous le masque du libéralisme, sont des économies où les profits ont été privatisés et les pertes socialisées.  Ce sont des économies publiques « nationalisées ».

Redresser les comptes sociaux

Pour la mission, « l’équilibre de la Caisse de prévoyance sociale (CPS) et le financement des déficits sociaux devront être expertisés. La situation de la CPS sera examinée en ce qui concerne notamment les dépenses de maladie, le régime de solidarité et la retraite ». Un énorme déficit de 15 milliards de FCFP de la Caisse de prévoyance sociale est annoncé. « L’impact financier pour la CPS de l’ouverture prochaine du nouvel hôpital (augmentation des charges de fonctionnement par rapport au centre hospitalier actuel) sera évalué et pris en compte dans les orientations précitées ». On annonce toujours que les nouveaux hôpitaux feront faire des économies d’échelle. On est pourtant bien en peine pour trouver des exemples attestant de ce mécanisme, qui en réalité semble davantage relever de l’incantation que de l’analyse.

A quand le tour de la Nouvelle-Calédonie ?

La Nouvelle-Calédonie dispose d’un peu plus de temps que la Polynésie, grâce à la construction des usines de nickel et à des investissements massifs par emprunt (hôpital de Koutio, aéroport, jeux du Pacifique 2011) ou en défiscalisation (Gouaro Deva), qui seront tous à terme générateurs de dépenses de fonctionnement supplémentaires ou de déficits nouveaux. Le BTP est soutenu aussi par l’aménagement de la ZAC de Dumbéa, la plus grande de France, qui risque vite de devenir le cauchemar des investisseurs métropolitains. Trop grande, trop mal pensée, trop vide.

Les remèdes avec la Polynésie nous seront communs, connus et douloureux.

Le protocole de la mission d’assistance à la Polynésie française en date du 22 mars 2010 peut être téléchargé ici : Mission_dassistance_de_la_Polynsie_franaise-PR_PF1.pdf