La crise s’approfondit en Polynésie : le rapport Bolliet
Les difficultés budgétaires et financières de la Polynésie française avaient conduit le président Gaston Tong Sang à demander au gouvernement français l’expertise des corps d’inspection de l’État pour identifier les marges de manœuvre pouvant être dégagées. Cette mission est menée conjointement par les 3 inspections, inspection générale des finances, inspection générale des affaires sociales et inspection générale de l’administration.
Vous pouvez en suivre le diagnostic et les étapes ici :
Fin de partie : la mission d’assistance à la Polynésie française :
Les premières suggestions de la mission d’assistance :
Le rapport Bolliet est le nouveau rapport d’étape. La Polynésie n’a que très peu ou pas réformé. L’inertie est considérable. Les remèdes deviennent d’extrême urgence. On ne peut plus contourner les problèmes :
Vous pouvez télécharger le rapport ici : le rapport_Bolliet_2010.
Le constat est alarmant.
La Polynésie est plus que jamais dépendante de l’extérieur : le taux de couverture des importations par les exportations est passé de 20 % en 1998 à 7 % en 2009. Le niveau de vie par habitant a baissé de 15 % depuis 2003. Les inégalités de revenus et de patrimoine sont en forte hausse. L’indicateur du climat d’affaires plonge (120 en 1998 et 75 en 2009), alors qu’on observe des sorties nettes de capitaux.
Côté gouvernance, les déficits augmentent, alors que le recours à l’emprunt est de plus en plus difficile. La structure fiscale de la Polynésie est très fragile, car constituée aux trois quarts de recettes indirectes qui fluctuent avec l’activité économique, alors que l’impôt direct, plus stable, est faible : il n’y a ni impôt direct sur le revenu, ni impôt sur le patrimoine. La défiscalisation est une perte nette sans utilité pour le pays. Les comptes de la protection sociale se dégradent rapidement.
La restauration des équilibres est urgente et nécessaire
Les principes à suivre doivent porter sur le volet dépenses, qu’il faut réduire, et sur le volet recettes, où il faut réformer la fiscalité. Mais sans attendre, la commission recommande les mesures suivantes :
Arrêter les subventions d’exploitation aux établissements publics pour qu’ils prélèvent sur leur trésorerie et engagent une politique de compression des dépenses ;
Vendre les actifs non essentiels du pays ;
Arrêter immédiatement la défiscalisation (moratoire) ;
Maîtriser la masse salariale, en mettant fin à tout recrutement et en supprimant les congés administratifs ;
Diminuer le train de vie des élus pour l’acceptabilité sociale et politique des mesures de rigueur.
Il est à craindre qu’à l’issue de ce rapport d’étape, rien ne se fasse. Il faut une stabilité politique (et déjà une majorité) pour décider et il faut un accord général, au-delà de la seule majorité, pour s’engager dans des réformes durables et acceptées. Or le président de la République avait énoncé la ligne rouge à ne pas franchir, celle d’une discussion sur l’accession à terme à la souveraineté du pays. Cela bloque un accord avec Tāvini Huira’atira nō te Ao Mā’ohi d’Oscar Temaru. L’Etat vient ensuite d’annoncer une nouvelle réforme du mode de scrutin à l’assemblée de Polynésie, qui ne peut que diviser les non indépendantistes. Il y applique l’adage bien connu Outre-mer : changer les institutions pour ne pas changer les hommes… ce qui augure mal du résultat. Enfin, cette annonce de la recomposition de l’assemblée de Polynésie va inévitablement relancer la concurrence entre les partis, ce qui est un très mauvais signal pour réformer. En bref, c’est ici la chronique d’une catastrophe annoncée.