Le rapport 2010 de la Cour des Comptes : vers plus d’impôt


08-03-2010

Le rapport 2010 de la Cour des Comptes : l’augmentation des prélèvements fiscaux et sociaux est inévitable. 

Les magistrats de la Cour des Comptes estiment que le gouvernement porte une responsabilité directe dans l’ampleur des déficits. Ceux-ci ne tiennent pas seulement à la crise, mais aussi à la gestion du gouvernement qui n’a pas maîtrisé suffisamment les dépenses pour compenser les baisses d’impôts et notamment la création de « niches fiscales », en clair et selon la définition du Conseil des Impôts les « dispositifs dérogatoires à l’impôt ». On parle aussi pudiquement de « crédits d’impôts » ou de « dépense fiscale ». La Calédonie est devenue accroc dépendante aux niches fiscales.

La crise qui a entrainé la forte chute des recettes de l’Etat est bien la principale cause de la grave détérioration du déficit public, passé de 3,4 % du produit intérieur brut (PIB) fin 2008 à 8 % en 2009 (p. 2). La dette est, quant à elle, passée de 67,4 % du PIB en 2008 à 77 % en 2009, « au-delà de tous les repères », explique la Cour (p. 9). Mais, la crise a bon dos. Selon les estimations de la Cour, la croissance des dépenses, hors plan de relance, et les baisses de prélèvements obligatoires sont responsables à hauteur d’environ 0,6 % d’une nouvelle dégradation structurelle du déficit en 2009 (p. 2).

Pour la Cour, ce déficit structurel est bien le résultat « d’un surcroît de dépenses non imputables à la relance ». La cause en est à la fois le non respect par le gouvernement de ses propres engagements en matière de dépense fiscale et son incapacité à préserver la ressource fiscale.

Le gouvernement s’était en effet engagé à ce que chaque nouvel avantage fiscal soit gagé par la suppression d’une dépense d’un montant équivalent. Or, le coût des nouvelles niches l’an dernier est supérieur de 1,2 milliard d’euros aux gains obtenus dans le même temps par ces suppressions (p. 5). Si l’on ajoute la dérive dans les niches déjà existantes (le boom calédonien des immeubles défiscalisés est là pour en témoigner), le manque à gagner pour l’Etat passerait ainsi de 65,9 milliards d’euros à 70,7 milliards en 2009, soit une hausse de 7,3 % (hors dérogations fiscales incluses dans le plan de relance). Pire : un certain nombre de ces niches ne sont plus inscrites dans la liste figurant en annexe du projet de loi de finances depuis 2006, mais elles existent encore, atteignent 80 milliards d’euros et sont probablement en augmentation, s’inquiète la Cour. Si ces dispositifs avaient été maintenus dans la liste des dépenses fiscales, leur coût total aurait atteint 146 milliards d’euros en 2008 (p. 6). On notera ici qu’il s’agit d’une constante française, autant que calédonienne. Les dispositifs de défiscalisation, qui comptent dans les niches fiscales, ont justement été préférés à la subvention pour échapper au contrôle démocratique. Le Parlement, ou ici le Congrès, vote en « aveugle » un dispositif, et l’exécutif donne les agréments en aval pendant plusieurs années. Ni le Parlement français, ni le Congrès n’auraient autorisé une telle dérive, s’ils avaient eu à arbitrer une subvention, à chaque budget, avec d’autres dépenses publiques. Bref, on ne constate aucune « rupture », mais plutôt une aggravation des mauvais travers  budgétaires et fiscaux du gouvernement.

L’effondrement des ressources est aussi dû à l’incapacité de l’Etat à préserver ses recettes, quand il baisse certains impôts sans contrepartie (p. 6). L’exemple caricatural du clientélisme est la baisse du taux de TVA accordé à la restauration (3 milliards d’euros de pertes par an). Et on peut craindre le pire pour la suppression de la taxe professionnelle. Au total, les recettes fiscales nettes de l’Etat diminueront d’environ 6 milliards d’euros en 2009 et de 2 milliards de plus en 2010, hors réforme de la taxe professionnelle et hors plan de relance, soit 0,3 % de PIB (p. 7). La Cour fait ainsi le bilan de l’échec à venir de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, (p. 19), qui rejoint l’échec de la réforme de l’Etat. Elle ne croit ainsi guère au discours sur la baisse des dépenses de l’Etat, même si elle n’en condamne pas l’orientation.

La Cour semble consternée de l’incapacité du gouvernement à agir et paraît très pessimiste sur les capacités de la France à réduire sa dette, « cette capacité étant plus faible que celle les autres pays » (p. 15). La France va devoir affronter de nouvelles crises « avec des marges de manœuvre considérablement amoindries » (p. 23). Cette dernière remarque qui figure dans la conclusion est à l’exact opposé du discours officiel qui proclame que le gouvernement prépare la sortie de crise.

L’ultime exhortation de la Cour des Comptes sonne comme un conseil désabusé à un élève qui ne l’écoute pas, si tant est que le Parlement et le gouvernement l’ont un jour fait. L’augmentation des prélèvements fiscaux et sociaux est inévitable (p. 23). « Ces ajustements nécessaires devront être réalisés avant que la politique monétaire européenne ne soit resserrée [en clair que les taux d’intérêt augmentent], en profitant du soutien qu’elle apporte à la croissance ». Il est sans doute déjà trop tard. Tous les ingrédients d’une crise sociale et politique, que 20 000 kilomètres ne suffiront pas à éloigner, sont annoncés dans ce rapport.

Le rapport 2010 de la Cour des Comptes sur « le déficit structurel de la France » est disponible ici : Rapport_2010_CComptes_finances.pdf