Les cocotiers de la France de Jean-Christophe GAY


22-03-2011
Par Admin Admin

Le syndrome hollandais est un phénomène économique qui relie exploitation de ressources naturelles et déclin de l’industrie manufacturière locale. Le terme apparaît pendant les années 1960 quand les revenus commerciaux des Pays-Bas ont considérablement augmenté à la suite de la découverte de grands gisements de gaz dans la province de Groningue, puis dans le reste du pays et en mer du Nord. Mais l’accroissement des recettes d’exportations, a conduit à une appréciation de la devise hollandaise, ce qui a nui à la compétitivité-prix des exportations non-gazières du pays. Le phénomène peut être comparé avec toute surévaluation du taux de change liée à une entrée massive de devises. Cette spécialisation sur la rente détruit l’économie. L’Outre-mer français en est l’exemple frappant. Les transferts financiers de la Métropole aux ménages et aux administrations augmentent les coûts et on ne peut plus exporter car nos prix sont trop élevés par rapport à la concurrence sur le marché mondial. Cela tue l’économie privée et pousse à devenir fonctionnaire plutôt qu’entrepreneur. « Etre femme de ménage dans un lycée rapporte plus que dans un hôtel » (p. 32).

Le tourisme en est la première victime. Si les fonctionnaires indexés peuvent vivre avec les prix élevés, la dégradation du rapport qualité prix est telle que les touristes ne peuvent pas suivre. Or, l’économie touristique vit en concurrence entre les destinations.

Les destinations françaises sont distancées. « Leur croissance est sensiblement plus lente que celle de leurs voisins, ce qui correspond à une perte de parts de marché (p. 34). La Polynésie et la Calédonie sont les pays où la progression a été la plus faible. Pendant que le nombre de touristes triplait à Fidji, de 1982 à 2005, il augmentait de 17 % en Nouvelle-Calédonie ». On pourrait d’ailleurs rajouter, de 0 %, si on prenait les chiffres de 2010. L’échec est total.
La défiscalisation est ruineuse et inutile

Pour compenser la faible attractivité, on abuse des aides fiscales. Mais la défiscalisation ne crée aucun marché. « La double défiscalisation a détourné les investisseurs des véritables projets touristique, parce qu’une logique immobilière et urbaine a prévalu. Les grands hôtels de l’Anse Vata deviennent généralement des immeubles de logements une fois la période de défiscalisation terminée » (p. 89). La rénovation du Château Royal est un nouvel exemple depuis la parution de ce livre d’une caricature hôtelière ! Non seulement l’argent public a été dépensé, mais le pays à terme ne dispose toujours pas d’offre hôtelière crédible !
Un tourisme peu internationalisé

« La majorité des touristes visitant l’Outre-mer français est métropolitaine, en dépit de la distance à parcourir » (p. 35). Une autre manière de saisir la faible internationalisation est de s’intéresser aux acteurs hôteliers. On observe que les groupes internationaux sont très peu présents (p. 36).
Les talons d’Achille du tourisme

La desserte a privilégié les ailes françaises à grands coups de défiscalisations. C’était la certitude de l’isolement et de coûts structurels élevés. « L’émergence des compagnies aériennes d’Outre-mer qui se sont lancées sur le long-courrier n’ont pas eu d’effets notables sur l’internationalisation de la desserte » (p. 39). « Un autre talon d’Achille du tourisme Outre-mer est la faible implication des populations locales, quand elles ne sont pas hostiles à cette activité » (p. 40). Il est vrai que le tourisme permettrait d’être moins dépendant des transferts de l’Etat, mais qui le veut réellement ? Enfin, « c’est en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie que la dépense locale moyenne par touriste est la plus forte » (p. 69). Ce n’est pas un titre de gloire. « Ces fortes dépenses sont en relation avec un coût de la vie exorbitant » (p. 69). C’est d’ailleurs le premier grief des touristes. Même les Japonais le notent alors qu’ils viennent d’un pays où les prix sont très élevés. D’ailleurs, chacun le sait, le taux de « retour » vers notre destination est l’un des plus faibles du monde…

Ce livre de Jean-Christophe Gay (édité à Belin-Sup 2009, 23,50 €, 136 pages) aura le mérite de prouver, une fois encore qu’on a confondu Outre-mer consommation et développement pour les particuliers, dépenses publiques et investissements pour les administrations. Il n’est pas le seul à faire ce diagnostic. Le Chien bleu du mois de mars 2011 en a fait son dossier avec « les touristes les plus chers du monde ». L’argent de la France, emprunté sur plusieurs générations, ne sert à rien, sinon qu’à entretenir l’illusion. On ne fait que repousser les choix et les échéances. Ce système de clientèle ne peut survivre à l’endettement croissant de la mère patrie. Un jour, il faudra en venir à une autre politique, faite d’un retour au réel, de désindexation, de dévaluation, d’industrialisation et… de la signature d’une convention avec Qantas pour la desserte de la Nouvelle-Calédonie en profitant des hubs de Sydney et Auckland et de l’effet de masse sur ces destinations.