L’expulsion coutumière et le juge pénal


13-08-2009
Par Admin Admin

La mise en œuvre de l’expulsion coutumière et le juge pénal

Cour d’appel de Nouméa, 28 avril 2009, F. c. O.

L’expulsion des occupants d’un terrain, fondée sur la coutume kanak et décidée par une autorité coutumière, constitue une infraction pénale lorsqu’elle se traduit par la destruction et la dégradation par le feu des bâtiments alors occupés qui y sont situés et des effets personnels des expulsés, quand bien même les prévenus ont considéré leur action comme légitime au regard de la coutume à laquelle ils sont soumis.

 

Note par Etienne Cornut

Maître de conférences en droit privé à l’Université de la Nouvelle-Calédonie

 

 

Cour d’appel de Nouméa

1ère Chambre des appels correctionnels

 

 

Arrêt du 28 avril 2009, rendu sur appel du jugement du Tribunal correctionnel de la Section détachée de Koné du 1er octobre 2008 (extraits).

 

Clan F. c. Clan O.

 

 

Rappel de la procédure :

 

Par acte au greffe en date du 2 octobre 2008, les consorts [du Clan O.] ont formé appel principal sur les dispositions pénales et civiles, tandis que le Ministère Public a le même jour formé appel principal d’un jugement contradictoire rendu le 1er

octobre 2008, par lequel le Tribunal correctionnel de Nouméa, section détachée de KONÉ, a sur l’action publique déclaré

[certains membres du Clan F.] coupables d’avoir à HIENGHÈNE, le 15 mars 2008, en tout cas sur le territoire de la Nouvelle Calédonie et depuis temps non prescrit, par l’effet d’incendies, moyens de nature à créer un danger pour les personnes, volontairement détruit, dégradé ou détérioré des biens appartenant à autrui et notamment deux maisons, une case, une cabane en tôle et des biens mobiliers et ce au préjudice de [certains membres du Clan O.], infraction prévue et réprimée par les articles 322-6 et 322-15 du Code pénal, et qui en répression a condamné :

– monsieur D. F. à la peine de 9 mois d’emprisonnement avec sursis,

– messieurs R. A., J. F., J.-C. A., C. F., H. T., J.-M. P. à la peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis simple,

– et messieurs G. F. et J. T. à la peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis mise à l’épreuve pendant 2 ans avec obligations professionnelles et de réparer les dommages causé~ par l’infraction.

 

Le jugement sur l’action civile a reçu [certains membres du Clan O.] en leur constitution de partie civile.

 

Le Tribunal correctionnel de NOUMÉA section détachée de KONÉ, s’est toutefois déclaré incompétent pour se prononcer sur les intérêts civils et a renvoyé sur ce point les parties à se pourvoir devant la juridiction civile complétée par des assesseurs coutumiers.

 

A l’exception des appels formés pour le compte de […] qui n’étaient pas partie en première instance, les appels des autres parties civiles et du Ministère Public apparaissent recevables.

 

Les faits sont les suivants

 

La Cour se réfère à la relation des faits qui résulte de la procédure et au terme de laquelle, le 14 mars 2008 D. F. qui est également maire de HIENGHÈNE et policier à la retraite, en sa qualité de président du conseil des anciens de OUARE, provoquait une réunion à la Tribu de OUARE, chez sa sœur T., à laquelle assistaient les membres de son clan et ceux du clan A..

 

Cette réunion avait pour objet un litige foncier opposant depuis plusieurs années les familles F. et A. à la famille O. qui n’avait pas respecté les décisions coutumières fixant la limite entre le terrain qu’elle occupe et leur voisin Z. F. à TENEM.

 

En dépit de démarches effectuées tant par le grand Chef BOARAT que par les autres familles auprès de L. O., chef de la famille O., pour l’inciter à cesser, dans un premier temps, d’étendre son emprise sur le terrain et de restituer une bande de terre de trois mètres, puis dans un second temps, à quitter les lieux, la situation s’est envenimée puisque selon les prévenus, les consorts O. refusaient d’appliquer les décisions coutumières qui prévoyaient leur expulsion de la totalité du terrain qu’ils occupaient depuis plus de 40 ans.

 

Au cours de la réunion du 14 mars 2008 il était décidé sous les directives de monsieur D. F. une action concertée aux fins d’expulser la famille O. et libérer le terrain.

 

Le 15 mars 2008 une vingtaine de membres des familles F. et A., dont les prévenus, se rendaient sur le terrain de la famille O.

 

Après avoir pénétré dans le terrain, l’entrée était bloquée. Une discussion s’est déroulée durant deux heures pour inviter la famille O. à partir, sans succès. Sur ordre de D. F. le groupe d’hommes présent a procédé à de nombreuses dégradations et destructions par incendie sur les biens meubles et immeubles des personnes installées sur le terrain.

 

Entendus par les militaires de la gendarmerie les prévenus ont reconnu leur participation, à titre d’auteurs ou d’instigateurs, soit aux dégradations soit aux destructions par incendie.

 

A l’audience devant les premiers juges ils ont, à nouveau, reconnu les faits. Les prévenus F. D. et A. R. qui s’exprimaient au nom de leurs familles respectives ont replacé les faits dans le cadre du litige foncier et ont insisté sur l’impossibilité de parvenir à une solution par la voie coutumière en raison de l’attitude des O.

 

[…]

 

La Cour :

 

[…]

 

3) Sur l’action publique

 

[…]

 

b) Au fond :

 

Attendu qu’il convient de rappeler que la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle Calédonie a expressément prévu en son article 7 que « les personnes dont le statut personnel, au sens de l’article 75 de la constitution, est le statut civil coutumier KANAK décrit par la présente loi sont régies en matière de droit civil par leurs coutumes » ;

 

Que cette même loi en son article 18 stipule que « sont régis par la coutume les terres coutumières et les biens qui y sont situés appartenant aux personnes ayant le statut civil coutumier » ;

 

Attendu que si en vertu des dispositions combinées de ces 2 textes, la décision d’expulsion du clan O. par les autorités coutumières compétentes, (même si ce clan a occupé les terres concernées depuis plus de 30 années) n’a pas à être discutée sur le fond devant la juridiction pénale, la forme de l’expulsion, lorsqu’elle se traduit par la commission d’une ou de plusieurs infractions pénales, n’ôte pas à la juridiction pénale de droit commun sa compétence, ni n’enlève à ou aux infractions pénales commises leur caractère répréhensible et punissable ;

 

Attendu que si les prévenus estiment qu’ils étaient en droit de mettre le feu aux habitations situées sur des terres coutumières par suite de la décision d’expulsion prononcée par l’autorité coutumière, les prévenus non content d’avoir mis le feu à des bâtiments dans lesquels se trouvaient encore des personnes qui ont pu sortir à temps, ont brûlé les meubles et vêtements appartenant aux parties civiles et donc commis le délit qui leur a été reproché ;

 

Que si les prévenus à l’exception de D. F. n’ont fait qu’obéir aux instructions de ce dernier, et qu’à ce titre il convient de confirmer la décision susvisée sur leur culpabilité et sur les peines prononcées à leur égard, monsieur D. F., qui de plus était Maire de HIENGHÈNE et ancien policier, se devait, même si en sa qualité de président du conseil des anciens il était chargé d’appliquer la décision coutumière d’expulsion des consorts O., la mettre en œuvre dans des conditions dignes du respect des droits de l’homme et non en brûlant notamment leurs meubles et leurs vêtements ;

 

Que sa culpabilité étant établie, sa peine, eu égard à la nature des faits, au trouble à l’ordre public résultant de l’infraction et à sa personnalité doit être portée à 1 an d’emprisonnement, qui compte tenu de son casier judiciaire vierge sera assortie du sursis ;

 

Attendu que cette peine constituera une sanction bien proportionnée à la gravité des faits et bien adaptée à la personnalité de l’intéressé, que la décision déférée sera donc réformée en ce sens ;

 

4) Sur l’action civile

 

Attendu qu’il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a reçu les constitutions de parties civiles de [certains membres du Clan O.] ;

 

Par ces motifs

 

La Cour ;

 

[…]

 

Au fond,

 

Confirme le jugement déféré sur la culpabilité et les peines prononcées contre : G. F., J. F., J-C A., J. T., C. F. et J.-M. P. ;

Confirme le jugement sur la culpabilité de D. F., réformant le jugement sur la peine de ce dernier ;

 

Et statuant à nouveau,

 

Condamne D. F. à la peine de UN (1) an d’emprisonnement ;

 

Dit toutefois qu’il sera sursis à l’exécution de la peine dans les conditions, le régime et les effets du sursis simple défini aux articles 132-29 à 132-39 du Code Pénal ; […]

 

Confirme le jugement en toutes ses dispositions civiles ;

 

****

 

Note : 

 

La mise en œuvre de l’expulsion coutumière et le juge pénal

 

 

 

Les conflits coutumiers, lorsqu’ils s’invitent à la barre des juridictions étatiques calédoniennes chargées d’appliquer le droit français, alimentent la question des rapports entre les différentes normes qui cohabitent sur le Territoire. Rappelons en effet que s’y appliquent trois[1] types de normes : le droit français, d’origine métropolitaine, sous la réserve du principe de spécialité législative pour les lois qui ne sont pas de souveraineté ; le droit local calédonien, c’est-à-dire les normes – lois de pays, délibérations – votées par les institutions territoriales et ayant valeur contraignante ; enfin la coutume kanak, entendue ici dans son sens d’usages ayant valeur obligatoire. Le champ d’application de ces normes n’est cependant pas le même et le plus souvent règne une coexistence pacifique, faute de rencontre. Ainsi le droit local calédonien s’applique uniquement sur le sol de la Nouvelle-Calédonie dans les matières dont cette dernière a la compétence (art. 22 de la loi  organique de 1999). De même, selon le droit étatique, la coutume kanak ne s’applique qu’aux Kanak de statut civil coutumier et pour les seuls droits civils (art. 7 de la loi de 1999). Mais les relations juridiques ne sont pas strictement cloisonnées et les personnes, qu’elles relèvent du statut civil de droit commun ou du statut civil coutumier, pour reprendre les termes de la loi organique du 19 mars 1999, peuvent être soumises à l’une ou l’autre de ces normes, hormis la coutume kanak qui ne s’applique qu’aux seuls Kanak ayant le statut civil coutumier. Ces derniers peuvent donc voir leurs rapports juridiques soumis au droit commun, au droit local calédonien ou à la coutume, selon le problème juridique en cause. La difficulté apparaît de façon la plus prégnante lorsqu’une même situation de fait est soumise à des normes différentes, parce qu’elle appelle en son sein un dépeçage induit par le domaine respectif des normes applicables. Alors que le droit commun distingue entre les différentes branches du droit, catégorise les matières, les droits et les choses[2], la coutume kanak au contraire est conçue comme un tout, comme un ensemble cohérent. Ce dépeçage, inéluctable au visa du droit commun, semble alors étranger à la coutume. Il en découle une confrontation de logiques lorsque, notamment, un fait est justifié par la coutume et prohibé par le droit commun, mais que les deux normes doivent s’appliquer. À la suite de beaucoup d’autres, l’arrêt rendu le 28 avril 2009 par la chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel de Nouméa illustre cette confrontation de logiques et marque les limites de la cohabitation entre le droit commun et la coutume kanak[3].

 

Dans cette affaire médiatisée[4], un clan revendiquant l’occupation coutumière d’un terrain sur lequel était installée depuis plus de 40 ans une famille d’un autre clan, obtint de l’autorité coutumière compétente, après plusieurs démarches effectuées par le grand Chef et d’autres familles, une décision coutumière d’expulsion. Suite au refus de la famille expulsée de libérer le terrain, une action concertée fut engagée par le clan revendiquant afin d’exécuter la décision coutumière. Au cours de cette action, des membres du clan ont procédé à de nombreuses dégradations et destructions par le feu de biens immeubles et meubles des personnes installées sur le terrain. Une action publique et civile fut engagée devant le tribunal correctionnel de Nouméa, en sa section détachée de Koné. Le juge accueillit l’action publique et condamna les membres du clan auteurs des destructions, mais se déclara incompétent pour statuer sur l’action civile, renvoyant les parties à se pourvoir devant la juridiction civile complétée par des assesseurs coutumiers[5]. Par cet arrêt, la Cour d’appel de Nouméa confirme pour l’essentiel le jugement attaqué, sauf à augmenter la peine d’emprisonnement, avec sursis, du principal prévenu.

 

Sur le fond et du point de vue du droit pénal étatique, la condamnation apparaît justifiée. La peine peut même sembler clémente eu égard à l’ampleur des atteintes aux biens et à la mise en danger manifeste des occupants et de la peine encourue (art. 322-6 du Code pénal : 10 ans d’emprisonnement et 150.000 €, soit 17,9 millions FCFP). Bien que la cour d’appel s’en défende en apparence en la minimisant dans chacun des attendus de l’arrêt, nul doute que l’origine coutumière du conflit explique cette relative clémence. En cela cet arrêt, pour écarter l’influence de la coutume sans la stigmatiser laisse apparaître, aux côtés des questions qu’il tranche, des pistes à explorer quant à une plus grande prise en compte, par le juge pénal, de l’origine coutumière du litige.

 

I. Le règlement du litige coutumier au regard du droit pénal étatique

 

A. L’origine civile du litige justifiant l’incompétence du juge étatique

 

Sur le plan civil, le litige concernait le droit sur le terrain, la décision d’expulsion et la responsabilité civile délictuelle des expulseurs. Dans cette affaire, toutes les parties étaient de statut civil coutumier. L’article 75 de la Constitution permet aux personnes qui n’ont pas le statut civil de droit commun de conserver leur statut personnel particulier tant qu’elles n’y ont pas renoncé. En Nouvelle-Calédonie, ce statut personnel particulier est reconnu aux Kanak qui, sous certaines conditions tenant à leur filiation ou à leur volonté, peuvent avoir un « statut civil coutumier ». Selon l’article 7 de la loi de 1999, « Les personnes dont le statut personnel, au sens de l’article 75 de la Constitution, est le statut civil coutumier kanak décrit par la présente loi sont régies en matière de droit civil par leurs coutumes. » Bien que la question ait pu être un temps discutée, le domaine matériel du statut civil coutumier concerne « l’ensemble du droit civil »[6]. La coutume régit donc non seulement l’état personnel, le statut familial et successoral, mais également l’ensemble des relations civiles économiques, notamment contractuelles et délictuelles ainsi que le rapport aux choses.

 

Dans le même sens, le sol de la Nouvelle-Calédonie est juridiquement divisé (art. 6 de la loi de 1999) entre les terres publiques ou privées, relevant du droit commun, et les terres dites coutumières, administrées par les autorités et groupements coutumiers, soumises à la coutume et déclarées « inaliénables, incessibles, incommutables et insaisissables. » (art. 18 de la loi de 1999). Selon la Cour d’appel de Nouméa, les clans et familles qui occupent les terres coutumières ne sont que les gardiens et utilisateurs autorisés par les grandes chefferies concernées, qui sont seules propriétaires des terres[7].

 

Lorsque le litige est de nature civile et que toutes les parties sont de statut civil coutumier, la coutume seule s’applique et la juridiction saisie doit alors statuer en formation coutumière, c’est-à-dire complétée par des assesseurs coutumiers, en nombre pair, qui représenteront chacun la coutume visée dans le litige (art. 19 de la loi de 1999 et art. L. 562-20 et s. du C. org. jud.). Or en l’espèce c’est la juridiction pénale qui a été saisie, l’action publique primant sur l’action civile en réparation de l’infraction intentée par les expulsés. Ceci explique que le juge de Koné, puis la cour d’appel, n’ont statué ni sur la légalité de la décision d’expulsion, ni sur le droit d’occupation du sol, ni enfin sur les dommages et intérêts. Dans son arrêt, la cour d’appel prend soin de rappeler qu’en vertu des articles 7 et 18 de la loi de 1999, « la décision d’expulsion du clan O. par les autorités coutumières compétentes, (même si ce clan a occupé les terres concernées depuis plus de 30 années) n’a pas à être discutée sur le fond devant la juridiction pénale ». Ces questions relèvent de la coutume et non du droit civil commun, les prévenus ne peuvent donc invoquer, par exemple, l’usucapion trentenaire prévu par l’article 2272 du Code civil auquel il est fait implicitement référence, ni le juge pénal se prononcer sur la légalité de la décision d’expulsion. En confirmant l’incompétence de la juridiction pénale pour statuer sur les intérêts civils, la Cour d’appel de Nouméa s’aligne sur l’avis rendu en 2007 de la Cour de cassation, selon lequel « la juridiction pénale (…) est incompétente pour statuer sur les intérêts civils lorsque toutes les parties sont de statut civil coutumier kanak »[8]. Dans tous les cas, l’incompétence s’explique par le fait que la juridiction pénale ne peut, faute pour la loi de l’envisager, se voir adjoindre les assesseurs coutumiers. La coutume a en effet plénitude pour régir les matières de droit civil lorsque toutes les parties sont de statut civil coutumier, ce qui était le cas en l’espèce, et la responsabilité civile fait assurément partie du droit civil et de ce fait relève de la coutume, même si elle trouve son fait générateur dans la commission d’une infraction pénale reconnue. Par un arrêt ultérieur à celui commenté, la Cour de cassation confirme cette incompétence en précisant qu’elle n’est pas contraire au principe de non-discrimination prévu par l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme de 1950[9].

 

B. L’absorption du litige coutumier par le droit pénal étatique

 

La limitation ratione materiæ du statut civil coutumier exclut du champ de la coutume kanak toutes les matières et tous les droits non civils. Dans ce cas les Kanak, même de statut civil coutumier, sont soumis au droit commun sans pouvoir exciper d’une dérogation coutumière. Il en est ainsi du droit du travail[10] et, comme en l’espèce, du droit pénal. Protégeant l’ordre public et les valeurs sociales, la loi pénale relève des compétences de l’État, dites de souveraineté (art. 21, II, 5° de la loi de 1999). Le principe de l’unité du droit pénal n’a été rompu ni par l’Accord de Nouméa, ni par la loi organique de 1999. Dès lors la loi pénale s’applique sur l’ensemble du territoire français, métropolitain et ultramarin, à l’ensemble des personnes qui s’y trouvent et qui y commettent une infraction qu’elle prévoit. La Cour de cassation l’a rappelé dans une affaire à la problématique proche de celle ici rapportée : les juridictions répressives françaises « sont compétentes pour appliquer la loi pénale française aux infractions commises sur le territoire de la République dont fait partie la Nouvelle Calédonie »[11]. La loi pénale française comme les juridictions chargées de l’appliquer ne peuvent subir la concurrence d’une autre norme et autorité. Cependant, il existe dans la société traditionnelle kanak des autorités – Grands chefs, Petits chefs, Conseil des Anciens notamment – et des sanctions pénales coutumières. La transgression de la coutume, matérialisée en l’espèce par le non respect d’une décision coutumière, donne lieu à sanction coutumière. Or ces sanctions constituent, pour certaines d’entre-elles, des infractions au sens de la loi pénale française.

 

Sur le plan pénal, le litige résultait de la mise en œuvre par la force et par le feu de la décision d’expulsion, non de l’expulsion elle-même, fut-elle coutumière. Selon la cour d’appel, « la forme de l’expulsion, lorsqu’elle se traduit par la commission d’une ou de plusieurs infractions pénales, n’ôte pas à la juridiction pénale de droit commun sa compétence, ni n’enlève à ou aux infractions pénales commises leur caractère répréhensible et punissable ». Il est ainsi reproché aux prévenus d’avoir dégradé et détruit par le feu « des bâtiments dans lesquels se trouvaient encore des personnes qui ont pu sortir à temps, ont brûlé les meubles et vêtements appartenant aux parties civiles ». Vu sous le prisme du droit commun la solution est tout à fait logique. Ce qui est pénalement sanctionné est le fait qui contredit une valeur sociale protégée. En l’espèce, la condamnation est fondée sur l’article 322-6 du Code pénal qui réprime la « destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui par l’effet d’une substance explosive, d’un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes ». Peu importe que cette valeur sociale ne soit pas prévue ni protégée de la même façon par la norme dont les auteurs se revendiquent en raison de leur nationalité, de leur domicile ou de leur statut particulier. Le droit pénal est d’application purement territoriale et ne souffre en ce sens aucune manifestation du pluralisme juridique. L’infraction pénale étant constituée, les prévenus, fussent-ils de statut coutumier, peuvent être condamnés selon la loi pénale métropolitaine.

 

II. La prise en compte par le juge répressif de la nature coutumière du litige

 

A. La croyance en la légitimité de l’expulsion

 

La loi pénale étant de source étatique, « aucun texte ne reconnaît aux autorités coutumières une quelconque compétence pour prononcer et appliquer des sanctions à caractère de punitions, même aux personnes relevant du statut civil coutumier »[12]. La sanction coutumière à finalité pénale, qui en soi existe, est dépossédée de juridicité. Le système pénal coutumier reste donc en marge de la légalité de droit commun, ce qui en réduit fortement la portée puisque sa mise en œuvre soumet ses auteurs, qui pouvaient croire à la légitimité de leur décision au regard de la coutume, à la plainte de l’accusé, victime aux yeux du système pénal étatique[13]. C’est le cas dans cette affaire, les prévenus condamnés par le juge pénal disaient agir dans le cadre de la coutume, sous l’autorité d’un chef coutumier, et en vertu d’une décision coutumière conforme. Les parties civiles, reconnues victimes par le juge pénal, apparaissaient comme en faux au regard de cette même coutume. Comment alors imaginer que les victimes, reconnues comme telles par le juge pénal, puissent obtenir des « intérêts civils », en application de la coutume, par la juridiction statuant en formation coutumière vers laquelle le juge pénal les renvoie ?

 

Cette croyance en la légitimité de l’action coutumière a été invoquée par les prévenus, bien qu’ils aient eu conscience de sa réprobation aux yeux de la loi pénale étatique. La cour d’appel note ainsi que « les prévenus estiment qu’ils étaient en droit de mettre le feu aux habitations situées sur des terres coutumières par suite de la décision d’expulsion prononcée par l’autorité coutumière ». En germe se pose la question de l’erreur de droit au sens de l’article 122-3 du Code pénal ou de l’excuse coutumière qui pourraient être invoquées par ceux qui agissent dans le cadre d’une décision coutumière, mais en contradiction avec la loi étatique[14].

 

L’erreur de droit est définie par l’article 122-3 du Code pénal qui dispose que « N’est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir l’acte. » Pour être admise, elle suppose une erreur, c’est-à-dire la croyance erronée en la légitimité du fait accompli. Elle suppose encore que l’erreur ait été commise de bonne foi, et que cette erreur ait été invincible, c’est-à-dire qui n’a pu être évitée, qui est définitive. En cela l’erreur de droit est plus que la simple ignorance de la norme, nul n’étant censé ignorer la loi : la personne a été induite en erreur, soit par l’administration elle-même, soit par les incertitudes juridiques. La question se pose donc de savoir si l’erreur de droit peut être admise en faveur des Kanak lorsque le comportement répréhensible aux yeux de la loi pénale est justifié selon la coutume. L’invincibilité de l’erreur tiendrait ici non à l’appartenance au statut civil coutumier, bien que cette appartenance soit nécessaire, mais surtout, d’une part, à l’environnement socioculturel dans lequel la personne agissante serait immergée au quotidien et, d’autre part, au fait que son action ait été engagée selon la coutume, après palabre, intervention et décision des autorités coutumières compétentes.

 

En l’espèce, il n’est pas certain que l’erreur de droit puisse être retenue, les principaux prévenus ayant eu conscience de l’illégalité pénale de leur action bien qu’ils aient invoqué sa légitimité au regard de la coutume. Dans cette affaire, la cour d’appel prend soin de ne pas se prononcer sur la question pourtant implicitement soulevée par les prévenus. Elle adopte cependant une position ambiguë, pouvant augurer une avancée timide d’un débat localement attendu. Ce qui semble constituer le délit, c’est plus le fait pour les prévenus d’avoir dégradé et brûlé les bâtiments « dans lesquels se trouvaient encore des personnes » ainsi que « les meubles et vêtements appartenant aux parties civiles » que les bâtiments eux-mêmes. Certes l’infraction prévue à l’article 322-6 du Code pénal supposait la démonstration de cette mise en danger. Néanmoins, l’impression se confirme lorsque la cour d’appel signifie au principal prévenu qu’il aurait dû, en ses qualités de maire et de président du Conseil des Anciens, mettre en œuvre la décision d’expulsion coutumière « dans des conditions dignes du respect des droits de l’homme et non en brûlant notamment leurs meubles et leurs vêtements ». En ce sens, les juges semblent ne pas contester directement l’incendie des bâtiments en stigmatisant l’atteinte à la sécurité des parties civiles ainsi qu’à leur dignité. Sans le dire expressément, ils tiendraient compte d’une norme coutumière civile – la propriété inaliénable des terres coutumières et des bâtiments qui s’y trouvent et donc le droit coutumier d’occupation voire de destruction que les prévenus peuvent exercer – qui, sans faire échec à une norme pénale, permet au moins d’en atténuer la rigueur.

 

En l’état actuel de la reconnaissance de la coutume kanak, seul pourrait être invoqué un droit coutumier de nature civile et non une notion coutumière tirée d’un droit pénal coutumier non reconnu[15]. L’erreur de droit, par la relative souplesse de ses éléments constitutifs bien qu’ils soient appréciés de façon rigoureuse par les juges, pourrait permettre de prendre en compte, de façon exceptionnelle, le phénomène coutumier comme cause d’irresponsabilité pénale. Si l’erreur de droit ne peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation[16] et que les juges du fond ont interdiction de la relever d’office[17], elle a été implicitement soulevée par les prévenus et il aurait donc été intéressant de connaître la position de la Cour de cassation. Par comparaison, l’extranéité, qui pourrait expliquer une méconnaissance de la législation interne, n’est pas admise comme source d’une erreur de droit[18]. La problématique est cependant différente pour la coutume kanak. Sa juridicité est directement reconnue par la Constitution française, au même titre que la loi, alors que la loi étrangère ne l’est que par délégation de la loi française, ce qui donne à la coutume, à l’environnement coutumier dans lequel la personne est immergée au quotidien, sous l’autorité des coutumiers, des chefferies et du clan, une présomption plus forte de méconnaissance légitime et invincible des prescrits du droit étatique.

 

De lege ferenda, il faudrait réfléchir à aller plus loin. Aucun texte ne reconnaît en effet, en faveur des Kanak, une quelconque excuse coutumière. Pour autant, l’excuse coutumière n’est pas inconnue du droit français, elle existe en faveur des courses de taureaux « lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée » (art. 521-1 du Code pénal). La question peut se poser de la reconnaissance, légale cette fois, de certains faits coutumiers qui, prohibés par la loi pénale, pourraient néanmoins bénéficier d’une excuse légale. Comme pour l’erreur de droit, seules des atteintes aux choses pourraient être ainsi excusées, en aucun cas des atteintes aux personnes. En ce sens, il n’est pas question ici d’envisager une quelconque excuse pour les sanctions coutumières, telles que la bastonnade ou l’astiquage, qui portent atteinte à l’intégrité physique et morale des personnes. Là apparaît un autre débat que la cour d’appel aborde timidement.

 

B. La coutume encadrée par les droits de l’homme

 

L’arrêt rapporté illustre les rapports entre la coutume kanak et l’ordre public français. La cour d’appel souligne qu’eu égard à ses qualités de maire et d’ancien policier, et malgré celle de président du Conseil des Anciens, le principal prévenu devait mettre en œuvre la décision d’expulsion « dans des conditions dignes du respect des droits de l’homme ». C’est ici affirmer la soumission de la coutume kanak aux droits fondamentaux de la personne. La question est d’importance et particulièrement sensible. Ce qui explique sans doute que la cour d’appel attache cette soumission aux droits de l’homme aux qualités personnelles du principal prévenu et à la seule mise en œuvre de la décision d’expulsion et non à l’expulsion elle-même. Les juges laissent-t-ils entendre que les droits de l’homme ne sont pas un obstacle intrinsèque à la coutume ?

 

De prime abord, la soumission de la coutume aux droits de l’homme, plus loin à l’ordre public, semble évidente si elle découle de la hiérarchie des normes. La coutume kanak, reconnue en théorie d’égale juridicité avec le droit commun, peut se placer sur la hiérarchie des normes au même niveau que la loi ordinaire. En ce sens, la coutume ne peut contredire une norme supérieure, qui découle de la Constitution et du bloc de constitutionnalité, ainsi que des normes internationales ou conventionnelles en vigueur en France et en Nouvelle-Calédonie, telles que la Convention européenne des droits de l’homme de 1950. En cas de conflit entre l’une de ces normes et la coutume, cette dernière sera écartée. Cependant, il n’est pas certain que ce critère, pour la coutume autochtone, soit pleinement convaincant.

 

D’une part, même si la coutume contrarie un droit fondamental de la personne issu d’une norme hiérarchiquement supérieure, il n’apparaît pas toujours opportun de l’écarter sous peine de nier sa juridicité même. Ainsi le mariage coutumier, dans ses conditions de formation, ses effets, les modalités et les conséquences de sa dissolution, peut directement contredire le droit au mariage ou le principe d’égalité des époux prévus respectivement à l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 5 de son protocole n° 7. Va-t-on pour autant écarter la coutume pour appliquer le droit commun ? Ce serait toucher à l’un des ferments les plus profondément ancrés dans la société coutumière. C'est pourquoi la France a émis cette réserve selon laquelle l'article 5 susvisé ne doit pas faire obstacle à l'application des dispositions de droit local dans les territoires de Nouvelle-Calédonie. Plus généralement, le protocole n° 7 comme la CEDH elle-même s'appliquent sur les territoires d'Outre-mer compte tenu des nécessités locales auxquelles l'article 56.3° de la CEDH fait référence.

 

D’autre part, ce critère hiérarchique ne permet d’écarter que les aspects de la coutume ou les droits acquis par la coutume qui s’opposent à une norme supérieure. En revanche, la question reste posée de la contradiction de la coutume avec une norme d’ordre public, mais de source interne. La situation est alors plus complexe, toujours parce que la coutume kanak est reconnue en théorie l’égale de la loi française dans son domaine matériel et personnel d’application. En ce sens, le juge ne peut refuser d’appliquer la coutume ni de valider une situation juridique acquise sous l’empire de la coutume lorsque sa compétence résulte de la reconnaissance d’un statut personnel local. Il ne saurait en effet opposer l’exception d’ordre public comme lors d’un conflit de droit international privé puisque l’application du statut personnel est reconnue par le législateur français lui-même. Si la loi étrangère peut se voir opposer l’ordre public, même de source interne, c’est parce que cette loi étrangère ne doit son application en France qu’à une règle de conflit de lois. En ce sens, « il faut retenir que c’était la loi française, c’est même la Constitution (de 1946) dans son article 80, proclamant la valeur des statuts personnels locaux, qui donne son efficacité à ceux-ci. Et il ne paraît pas possible d’opposer l’ordre public à un texte qui est, lui aussi, incontestablement d’ordre public »[19]. La question s’est posée devant la Cour de cassation à propos du statut mahorais, avant que la loi du 11 juillet 2001 ne le rogne et que la départementalisation de Mayotte en 2009 n’en signe la fin prochaine[20]. Dans cet arrêt, la Cour admit qu’un enfant français, de statut civil mahorais, soit privé du droit d’établir son lien de filiation naturelle en raison du droit mahorais, alors même que la jurisprudence en matière internationale soulève l’exception d’ordre public en pareille circonstance[21]. Par conséquent, si la coutume appliquée en raison du statut personnel apparaît comme contraire à l’ordre public, il revient au législateur et non pas au juge de refuser d’en prendre compte. Opposer l’ordre public reviendrait ainsi à contester la légitimité d’un droit acquis en vertu d’une norme directement reconnue par la Constitution comme faisant partie de l’ordre juridique français. Il paraît donc incongru de soumettre cette norme à une autre dont elle est l’égale.

 

Dès lors, un autre critère pourrait dépendre non plus de la hiérarchie des normes, mais plus globalement de la valeur sociale protégée par la norme d’ordre public. Une norme peut être considérée comme d’ordre public sans pour autant faire échec à la coutume qui serait contraire. Il s’agirait ici de distinguer, à l’image de l’exception d’ordre public international, entre un ordre public interne et un ordre public international. Le second, qui ne recouvre pas nécessairement le premier, s’oppose seul à l’application en France des lois étrangères contraires. Il s’agit alors de distinguer, au sein des normes impératives au niveau interne, celles qui sont considérées comme tellement fondamentales qu’elles s’opposent à l’application d’une norme qui serait contraire. Il s’agirait encore de distinguer, toujours par emprunt au droit international privé, entre les situations à constituer et les situations juridiques déjà établies.

 

Par exemple, lorsque la coutume porte atteinte à un droit de la personne, il ne fait pas de doute que le droit des personnes en leur intégrité physique et morale doive être complètement protégé, quelle que soit la valeur hiérarchique de la norme qui le prévoirait. L’universalité des droits de l’homme en leur intégrité physique et morale paraît indéniable et rien ne peut justifier une sanction pénale physique autre que la privation de liberté. En revanche, en reprenant l’exemple des relations familiales et successorales coutumières, le fait que certains aspects de ces questions puissent contrarier le principe d’égalité n’apparaît pas heurter inéluctablement l’ordre public, sauf lorsque cette violation conduit à une contrainte physique, comme un mariage forcé. Dans le même sens, le droit de l’homme sur ses biens n’apparaît pas fondamentalement d’ordre public. Une sanction portant atteinte aux biens ne heurte pas irréfutablement l’ordre public. Certes, elle heurte un droit de l’homme, le droit de propriété déclaré tel par la déclaration constitutionnalisée de 1789 (art. 17). Néanmoins les atteintes au droit de propriété sont possibles lorsqu’elles sont justifiées par un intérêt supérieur, comme les confiscations, les expropriations et nationalisations. En Nouvelle-Calédonie, la loi organique de 1999 prévoit que les terres coutumières sont « inaliénables, incessibles, incommutables et insaisissables. » (art. 18). Cette conception de la propriété coutumière heurte de front la propriété telle qu’elle est conçue par le droit commun des droits de l’homme et le droit commun des biens. Elle nie en effet le droit de l’homme à la propriété privée, en collectivisant la propriété coutumière, pour ne laisser aux occupants qu’un simple droit d’usage, dont il n’est pas certain qu’il soit réel comme l’est le droit d’usage et d’habitation du droit commun des biens. Elle contredit le droit de propriété tel qu’il est conçu par le Code civil français, qui l’érige en droit « le plus absolu » (art. 544), le pléonasme marquant l’excellence. Ces exemples montrent que la coutume peut s’abstraire des notions et principes d’ordre public selon le droit commun sans pour autant heurter les valeurs sociales de justice universelle les plus fondamentales que défendent la République et l’opinion françaises à un moment donné. Là seulement doit résider la limite de l’ordre public qui peut être opposée à la coutume kanak. Ces interrogations montrent que la soumission de la coutume aux droits de l’homme que soulève la cour d’appel dans l’arrêt, même si elle prend soin de la limiter à l’espèce (le principal prévenu pour la mise en œuvre de la décision d’expulsion) mérite d’être abordée plus franchement et d’être affinée.

 

 

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Cet arrêt pose plus de questions qu’il n’en résout et les vues ici esquissées devront être complétées. Si les peines prononcées, un an avec sursis pour la plus lourde, peuvent sembler clémentes, la décision de la cour d’appel ici rapportée est lourde de sens. Elle fragilise les autorités coutumières qui voient leurs décisions, pourtant civilement légales et légitimes, mises en accusation avec succès devant la justice étatique. Dès lors, parce qu’elle s’inscrit à la suite de nombreuses décisions allant dans le même sens, elle appelle de façon urgente une plus grande reconnaissance de la place et du rôle des autorités et du droit coutumier kanak dans la prévention sociale et la sanction pénale. L’Accord de Nouméa reconnaît le rôle des autorités coutumières au travers de la « médiation pénale coutumière » (pt. 1.2.4). Pourtant cette médiation pénale coutumière reste à ce jour purement incantatoire. Si les juges tiennent compte des particularités du monde kanak en atténuant les peines lorsqu’au moins la vie et la sécurité des personnes n’est pas en cause, cette reconnaissance implicite et partielle du fait coutumier n’est pas satisfaisante car elle retire aux autorités coutumières le contrôle de leur propres décisions et, plus loin, de l’évolution de la coutume kanak elle-même.

 

 

Étienne Cornut

Maître de conférences en droit privé à l’Université de la Nouvelle-Calédonie

Laboratoire de recherches juridiques et économiques (Larje)

 


[1] En réalité beaucoup plus en prenant en compte les normes étrangères qui peuvent, parfois doivent, s’appliquer lorsque le litige dont est saisi le juge est international. De plus, à l’avenir, les transferts de compétences du droit civil et des règles relatives à l’état civil vont accentuer ce pluralisme juridique, en créant un statut personnel calédonien aux côtés du statut personnel, qui sera alors métropolitain, et du statut civil coutumier.

[2] Ainsi le Droit se divise entre le droit public et le droit privé, lequel se divise entre le droit civil, commercial, pénal, du travail, etc. Les droits se divisent entre les droits réels et personnels, patrimoniaux et extrapatrimoniaux, mobiliers et immobiliers, etc. Les choses se divisent entre les choses et les biens, biens corporels ou incorporels, biens meubles ou immeubles.

[3] Sur ces questions, v. not. R. Lafargue, La coutume judiciaire en Nouvelle-Calédonie, éd. PUAM, 2003 ; G. Agniel, « Le juge civil et la coutume ou La difficile appréhension de l’altérité juridique mélanésienne », in Le juge : une figure d’autorité, éd. L’Harmattan, 1995, p. 33 et s. ; É. Cornut, « La juridicité de la coutume kanak », Droits & cultures, à paraître. Adde G. Nicolau, G. Pignarre, R. Lafargue, Ethnologie juridique. Autour de trois exercices, éd. Dalloz, 2007, spéc. p. 233 et s. et p. 285 et s.

[4] V. Les Nouvelles Calédoniennes des 20 mars et 2 octobre 2008, 11 mars et 29 avril 2009.

[5] TPI Nouméa, section détachée de Koné, 1er octobre 2008, n° K0800549.

[6] Avis du 16 décembre 2005, BICC n° 637 du 1er avril 2006 ; RTD civ. 2006, p. 516, obs. P. Deumier ; RJPENC n° 7, 2006/1, p. 40, note P. Frezet, p. 42, note L. Sermet ; LPA n° 207, du 17/10/2006, p. 11, note C. Pomart.

[7] Nouméa, 10 mars 2008, n° 07/497, inédit.

[8] Avis du 15 janvier 2007, BICC n° 658 du 1er avril 2007 ; RJPENC 2007/1, n° 9, p. 68, note L. Sermet ; Dr. & cult., 54, 2007/2, p. 203, note P. Frezet.

[9] Crim., 30 juin 2009, pourvoi n°08-85.954, à paraitre au Bulletin. Cette confirmation était attendue dans la mesure où l’avis de la Cour de cassation n’est en soi pas obligatoire, même pour la juridiction qui l’a sollicité.

[10] Nouméa, 21 août 2008, n° 07/476, inédit.

[11] Cass. crim., 30 octobre 1995, pourvoi n° 95-84322.

[12] Cass. crim., 10 octobre 2000, pourvoi n° 00-81.959.

[13] V. not. R. Lafargue, « Distinction du droit à la différence en droit civil et en droit pénal : comparaison entre la Nouvelle-Calédonie et l’Australie », in L’État pluriculturel et les droits aux différences, ss. la dir. de P. de Deckker et J.-Y. Faberon, éd. Bruylant, 2003, p. 441 et s.

[14] V. R. Lafargue, La coutume judiciaire en Nouvelle-Calédonie, op. cit., p. 125 et s.

[15] Sur ce point, v. R. Lafargue, op. cit., p. 132 et s.

[16] Cass. crim., 27 mars 1996, Bull. crim. n° 136.

[17] Cass. crim., 28 juin 2005, Bull. crim. n° 169.

[18] V. par ex. Cass. crim., 17 février 1998, Bull. crim., n° 60 ; Rev. sc. crim. 1998, p. 765, obs. B. Bouloc.

[19] P. Bellet, Le statut des Algériens Musulmans en France métropolitaine, Gaz. pal. 1956, 1, p. 48. L’affirmation est transposable au visa de l’article 75 de la Constitution de 1958.

[20] Cass. civ. 1ère, 25 février 1997, D. 1997, p. 453, note H. Fulchiron ; JCP 1997, II, 22968, note L.-A. Barrière et Th. Garé ; Dr. fam. mai 1997, n° 70, note P. Murat ; Rev. crit. DIP 1998, p. 602, note G. Droz

[21] Cass. civ. 1ère, 10 février 1993, Rev. crit. DIP 1993, p. 620, note J. Foyer ; JCP 1993, II, 3688, obs. H. Fulchiron ; D. 1994, p. 66, note J. Massip ; JDI 1994, p. 124, note I. Barrière-Brousse.