Qu’est-ce qu’une Nation ? Première approche du document du Oui et du Non


Le Sénat coutumier a choisi dans ses thèmes de conférence publique du mardi d’étudier le document de l’État français, rendu public le 16 juillet 2021, sous l’angle de la construction d’une Nation en Nouvelle-Calédonie.

Ernest Renan, le philosophe français dans son célèbre discours à la Sorbonne le 11 mars 1882, « Qu’est-ce qu’une Nation ? » s’était d’abord opposé à tout ce qui ne suffit pas à créer une Nation : « la race, la langue, les intérêts, l’affinité religieuse, la géographie, les nécessités militaires. » Et il avait répondu par cette formule : « Une Nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses (…), l’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble. » Nous en sommes précisément à ce point de l’histoire calédonienne. Voulons-nous vivre ensemble ?

Quel est le rapport avec le document de l’État français intitulé Les conséquences du Oui et du Non et rendu public le 16 juillet 2021 ?

Le document de l’État est une exceptionnelle machine à remonter le temps. La partie sur le Oui est restée bloquée en Algérie le 5 juillet 1962 et la partie sur le Non est restée bloquée au référendum Pons du 13 septembre 1987. D’un côté, celui du Oui, la description d’une indépendance kanak de rupture sans les autres, de l’autre, celui du Non, la fin du socle de l’Accord de Nouméa et l’intégration dans la France. Il est conçu comme une machine à écarter le destin commun, à nier la construction d’une Nation.

Le document est marqué par son simplisme et son unilatéralisme. En ne faisant la pédagogie que d’une indépendance de rupture sur le modèle algérien de 1962, qui n’est demandée par personne, l’État offre une réponse décrochée du réel. Ces caractéristiques viennent de loin. Elles sont déjà en germe dans la question sèche et clivante. Par ses conséquences, cette consultation binaire et caricaturale pourrait entraîner la fin de trente années de dialogue en Nouvelle-Calédonie.

Vous trouverez à télécharger ici le texte développé de la conférence faite au Sénat coutumier le 27 juillet 2021 par Mathias Chauchat, professeur de droit public à l’Université de la Nouvelle-Calédonie, ainsi que le Powerpoint de l’intervention :