Tous ruinés dans 10 ans ?


08-06-2010
Par Admin Admin

L’ouvrage de Jacques Attali au titre provocateur, publié chez Fayard en 2010 (15,90 €), suit la loi de la série. Il comprend deux volets : l’un d’ordre historique (qui nous emmène jusque la page 137/224) qui raconte l’histoire politique de la dette publique. Ce que l’on en retiendra, c’est le nombre des défauts de paiement souverains. La France, pour sa part, a déjà fait défaut 8 fois (p. 131). L’autre nous offre une analyse, et le fait est plus rare, des pistes de solution.

Tout commence par le « scénario du pire » (p. 137), c’est-à-dire la ruine de tous. On laisse filer la dette, pensant que tout s’arrangera. C’est d’autant plus facile que les dépenses sociales liées au vieillissement et à la santé vont s’accroître. Autant de bonnes raisons pour ne rien faire. Sous la pression des marchés (qui sont nos créanciers), les pays de la zone Euro cessent de soutenir l’un l’autre ; c’est le chacun pour soi et le début assuré des défauts de paiement souverains. Plus de remboursement certes, mais plus de prêteurs. La dépression est certaine. La cible suivante sera le Dollar américain. L’Amérique cherche dans l’inflation une sortie de crise. Personne ne veut de sa monnaie. L’Asie est impactée violemment. Finalement, la mort du débiteur entraîne le créancier, illustrant un des grands classiques de l’histoire.

Une analyse lucide doit précéder les solutions : où en sommes-nous vraiment ? « Comment réagirait un investisseur privé à qui l’on demanderait d’investir dans une entreprise dont la dette représenterait plus de 5 années du chiffre d’affaires, dont les pertes annuelles seraient supérieures à la moitié du chiffre d’affaires, et dont les emprunts annuels dépasseraient le chiffre d’affaires ? Il fuirait » (p. 169). C’est la France aujourd’hui. Il faut donc trier la « bonne » et la « mauvaise » dette : la bonne dette doit augmenter l’actif net du pays et peut ainsi permettre son remboursement. La dette est mauvaise, si elle finance les dépenses de fonctionnement du souverain, les retraites, les dommages environnementaux des générations actuelles qui les ont commis, comme le remboursement d’un stock de dettes. La France fait actuellement tout cela. De ce point de vue, la crise de solvabilité est encore à venir (p. 177).

Bref, pour ne pas basculer dans le précipice, les nations « doivent financer par l’impôt le collectif récurrent et ne financer par l’emprunt public que les seules dépenses du souverain apportant un avantage aux générations suivantes ; elles doivent en outre constituer une réserve d’épargne destinée à financer les dépenses censées constituer une charge pour les générations à venir, comme les retraites et les dommages à l’environnement causés par les contemporains » (p. 213). Cela suppose aussi pour l’auteur de ne pas céder à l’illusion de la décroissance.

« Il faut rendre à l’avenir ce qu’on lui a pris » (p. 181). Commencer par une réduction significative des dépenses publiques militaires, civiles et sociales. Accompagner par une augmentation des recettes, redéfinir notre modèle (notre périmètre) social. L’effort national ne suffira pas. Il faudra plus d’Europe. Jacques Attali propose la création d’instruments d’emprunt européen, les « bons européens » (p. 201), mais dont l’accès suppose un contrôle communautaire tant sur leur usage que sur les finances nationales. Il suggère également le « fédéralisme budgétaire » (p. 206) par un Fonds européen qui évitera de voir le FMI discuter de questions intérieures à l’Union.

Mais la lutte contre le déclin ne sera gagnée que si on libère la croissance et si on investit pour l’avenir dans le savoir, la technologie, l’environnement comme l’accueil des étrangers. Rien n’empêche non plus, sur la base de l’interdépendance mondiale constatée, de créer une « Caisse mondiale d’amortissement » (p. 217) pour gérer la dette, créanciers et débiteurs ensemble, et écarter ainsi le risque systémique du défaut national.

Ce livre ne vous rendra pas guilleret. Mais il faut le lire ; la peur n’évite pas le danger.